Bab-el-Oued. 10h du matin. Tout le monde vaque � ses affaires. Rien n�indique qu�il y a huit ans, ce quartier populaire a connu des inondations qui ont caus� la mort de plusieurs centaines de personnes et d�importants d�g�ts mat�riels. Les traces ne sont plus l�, mais la trag�die est encore dans toutes les m�moires. Mehdi Mehenni - Alger (Le Soir) - A la plage R�mila, Ami Sa�d est assis sur un rocher, revisitant du regard l�avaloir o� se jettent les eaux pluviales venant des hauteurs. Le corps de son fils a�n�, Salah, avait �t� rejet� sur cette m�me plage, par ce m�me avaloir ! Pour Ami Sa�d, si les traces d�une telle catastrophe ne sont plus l�, cette image restera cependant � jamais grav�e dans sa m�moire. Huit ans sont certes d�j� pass�s, mais pour lui, c�est comme si c��tait hier. Jour et nuit, il ressasse cette trag�die. Il l�emportera m�me, affirme-t-il, avec lui dans sa tombe. A Bab-el-oued, cette commune qui compte 180 000 habitants entass�s sur 2 km2, le d�cor a chang�, comme en t�moigne un natif du quartier, qui avoue que, pour une fois, les autorit�s locales ont fait quelque chose de bien. Mais � quel prix ! clame-t- il. Il a fallu que des vies humaines soient emport�es par des eaux d�cha�n�es, que le chagrin frappe de plein fouet le c�ur de centaines de familles, qui garderont toujours en eux le souvenir douloureux de ce drame. Aujourd�hui, le front de mer de Bab-el-Oued o� flottait, il y a huit ans, des centaines de cadavres, ne renseigne point sur une telle trag�die. Une muraille surplombe la mer, des aires d�gag�es, des espaces publics et des aires de jeux pour enfants ont pris place dans ce d�cor, autrefois bien �troit et repoussant. Mais il faut le dire, bien que les habitants de Bab-el-Oued reconnaissent un grand changement et des efforts consid�rables de la part des autorit�s locales, cette image terrifiante est toujours l�, elle hante toujours les esprits et la m�moire collective de citoyens victimes d�une gestion anarchique de la chose publique, qui lui ont co�t� ce que tout le monde sait. Place Triolet. Il est tout juste midi. Au n� 43 de la rue Rachid- Kouach (cit� Groupe-Taine), o� un march� fut emport� par les inondations un certain 10 novembre 2001, un stade de football et un terrain de basket-ball ont pris place. Sous un temps ensoleill�, des bambins jouent au foot et un marchand de sardines fait le tour des immeubles. Au milieu de ce d�cor paisible, quelques jeunes gens du quartier, regroup�s en face d�une �cole primaire, discutent de tout et de rien. Interrog�s, ils disent qu�il y a une sc�ne qui, de toutes celles du drame qui se sont produites � Bab-el- Oued, les a marqu�s � jamais. C��tait au petit matin de ce jour maudit. Une m�re de famille regardait de son balcon, sans pouvoir agir, son fils �g� de 10 ans accroch� au mur de son �cole. Tout � coup, un container emport� par les eaux qui d�ferlaient depuis Oued-Korich l�emporta � jamais. Les habitants du quartier s�en veulent toujours, du fait qu�ils �taient l� et qu�ils ne pouvaient rien faire devant ce d�luge impressionnant. Sa m�re, ne pouvant supporter son chagrin, a rendu l��me quelques jours plus tard. Les t�moins de ce drame ne sont finalement pas les seuls � s�en vouloir. Tous les habitants de Bab-el-Oued disent n�avoir qu�un seul remords, celui d�avoir vu des centaines de citoyens emport�es par les eaux sans pouvoir agir.