Les doubl�s tendent � devenir une habitude chez les jeunes �ditions Achab qui se manifestent encore fois par la sortie de deux ouvrages � lire et � faire lire pour mieux se conna�tre et se faire conna�tre dans notre pays et dans le monde. Il s�agit de Rupture et changement dans la Colline oubli�e de Larbi Oudjedi et de La f�te des Kabytchous de Nadia Mohia. Les 52 pages du premier sont constitu�es d�une pr�face de 4 pages � travers lesquelles Youcef Zirem, journaliste, souligne le r�le de Mouloud Mammeri et des autres intellectuels dans �la r�habilitation de notre langue ancestrale, un miracle parmi les langues antiques, qui vivra, �crit il, �ternellement� gr�ce � ceux qui ont �compris que les temps changent et que l��poque moderne apporte avec elle de nombreux risques et p�rils. Il s�agit bien s�r de tamazight et des menaces qui la guettaient jusqu�au sursaut des intellectuels et des militants de l�amazighit�. L�auteur de la pr�face nous livre �galement les sentiments d��harmonie indescriptible� que lui procurent les lectures � il en a fait plusieurs � de la Colline oubli�e et met en �vidence le travail cin�matographique de A. Bouguermouh et surtout la fine analyse d�taill�e de Larbi Oudjedi portant sur le m�me film. Tr�s fouill�e et pointue, l�analyse de Larbi Oudjedi, qui retrace d�abord les entraves dress�es, de 1962 � 1992, par les autorit�s devant le projet de film de A. Bouguermouh, restitue ensuite � et c�est l� l�essentiel � l�ambiance int�grale de la Colline oubli�e en tant que roman et film projetant une lumi�re �blouissante sur la soci�t� kabyle des ann�es 1930 et 1940 � travers le village de Tasga. La lecture de cette analyse est, en effet, d�une tonalit�, d�une clart�, d�une ma�trise du sujet et d�une pr�cision saisissantes ; elle prend l�allure d�une v�ritable radiographie du film dont on peut se suffire pour saisir l�immense port�e de l��uvre aux plans culturel, sociologique et politique. A ce titre, elle repr�sente une contribution pr�cieuse pour comprendre le contenu du roman, l��poque et les �v�nements qui constituent sa toile de fond ; elle est, par ricochet, une r�ponse cinglante aux partisans du pouvoir qui ont cru voir, � tort bien s�r, dans la Colline oubli�e des affinit�s entre les Kabyles et l�occupant fran�ais. La segmentation de l�analyse par th�mes � il y en a 7 parmi lesquels l�exil, les douloureux d�parts forc�s � la guerre, la mis�re et le typhus, mais aussi l�amour impossible entre Mokrane et Aazi d�un c�t�, Menach et Davda de l�autre �permet � L. Oudjedi de faire partager au lecteur le sort mis�reux du village de Tasga ainsi que les r�gles et les rapports r�gissant la vie de ses habitants surtout entre les hommes et les femmes. L�exil pour fuir la mis�re, les d�parts forc�s � la Seconde Guerre mondiale, le typhus, les rencontres de la bande de 6 intellectuels, les soir�es de chants et danses d�un autre groupe de jeunes rythment la vie de la jeunesse et donnent finalement naissance au premier maquis de la future guerre de Lib�ration. La rupture et le changement sont intimement li�s dans la Colline oubli�e, ils sont en interaction et surviennent � travers le rejet de toutes les habitudes surann�es propres � la soci�t� mais aussi avec le rejet de l�occupation �trang�re. Il n�y a pas de changement sans rupture avec tout ce qui entrave le progr�s au sens large du mot, peut-on conclure au terme d�un survol de ce livre d�un volume r�duit mais tr�s enrichissant par sa contribution � l�histoire et � la sociologie de la Kabylie. Le second ouvrage, celui de Nadia Mohia, La f�te des Kabytchous, relate en toile de fond la difficile vie de famille du c�l�bre po�te �crivain et dramaturge, Abdellah Mohia. Il s�agit plus fr�quemment de l�insaisissable personnage de la m�re, obs�d�e par l�hostilit� suppos�e du voisinage, et des relations, plut�t dures mais non d�nu�es d�affection, dissimul�es, qu�elle a eues avec ses enfants, Nadia et Abdellah, qui, eux aussi, reproduisent, entre eux, un sch�ma relationnel quasi identique. Il y a, dirait-on � la lecture au premier degr� de ce livre, un blocage de la communication et une col�re omnipr�sente entre les membres de la famille et au sein de la soci�t�. Car Nadia Mohia ne se contente pas de faire un r�cit authentique du v�cu familial, elle signale, au-del� de ce cercle restreint, les causes et les cons�quences. Ainsi, la pathologie de la m�re trouve ses racines dans l�adversit� de son enfance, orpheline d�s son plus jeune �ge, et dans son enfermement de femme n�ayant qu�un seul lien avec le monde ext�rieur, la radio Cha�ne II. �Elle ne s�appartenait pas, elle souffrait. Elle n��tait pas elle m�me, ne contr�lait rien de ce qu�elle ressentait ou entendait du fond de sa d�tresse�, �crit sa fille Nadia � la page 27 de son livre path�tique � plus d�un titre. Psychopathologue, psychanalyste et ethno-anthropologue, Nadia Mohia raconte, en 200 pages, avec talent, perspicacit�, et aussi une objectivit� scientifique �la possession� de sa m�re ainsi que �la personnalit� et le g�nie cr�ateur de son fr�re a�n� ; ce faisant, elle donne � voir, � travers eux, l�ambiance familiale tendue souvent invivable, d�apr�s elle, refl�tant, dans la plupart de ses aspects, celle de la soci�t�. Elle nous invite, en effet, en page 57, � ne pas exag�rer l�importance de l�histoire familiale chez Muhend Ouyahia, et dans son ouvrage, � elle, pourrait en ajouter. A travers �Yemma�, sa m�re, c�est �l�Alg�rie et son attitude quelque peu inique envers une cat�gorie de ses enfants� qui sont vis�s. La f�te des Kabytchous, titre � la fois sarcastique, affectif et pr�monitoire aux propres obs�ques de Mohia, n�est, selon le professeur Mahmoud Sami-Ali, �ni un journal intime ni un essai d�anthropologie alors qu�il participe de l�un et de l�autre. Le tr�s beau livre de Nadia Mohia semble avoir �t� �crit dans l�urgence sous le coup d�un �branlement �motionnel�, l�agonie et les fun�railles de Mohand Ouyahia occupent, pr�cisons- le, une bonne place dans le livre�. Il s�agit, �crit encore le professeur dans sa pr�face au livre si hautement appr�ci� de Nadia Mohia, d��une r�alit� contradictoire qui demande � �tre comprise dans toutes ses ramifications pr�sentes et pass�es (�) d�une reconstitution de toute une histoire non seulement d�une famille, mais surtout d�une soci�t� et d�une culture qui peine � se faire reconna�tre� et cela pour �saisir de plus pr�s une r�alit� humaine � laquelle on appartient corps et �me, du fait m�me qu�on partage la m�me langue soudain devenue m�moire collective et lien charnel, lieu de tous les r�ves, de toutes les contradictions (�) et c�est vers ce point le plus recul� de nous-m�mes, le plus profond (�) que tend l�extraordinaire entreprise de Nadia Mohia�. Le fil qu�elle tire, ajoute-t- il, �s�av�re �tre une corde intens�ment tendue qui vibre constamment, pour conf�rer au r�cit qui se veut direct et le plus proche possible des �v�nements une intensit� �motionnelle qui ne se rel�che � aucun moment. La langue maternelle en constitue l�axe fondamentale autour duquel se structure tout l�ensemble�, indique encore l�auteur de la pr�face.