Premi�re lettre publi�e� Imane aucune r�action. Un jour Imane m'avait dit : �Si j'�tais amoureuse de quelqu'un, il n'aura pas de quoi s'inqui�ter, il ne se plaindra jamais. Il ne verra de moi que amour et tendresse�. Bonjour, �coute-moi : Mes premi�res fois sont loin derri�re moi. Ma vie est un luxe que je dois, bien �videmment, � ma m�re. Je me demande, a priori, si elle avait eu mal en me mettant au monde ? C��tait un accouchement ordinaire ou � part ? Parfois, je me fais des soucis, �a me tourmente, me rend perplexe. Je ne sais plus, les remords ne causent que des d�g�ts. Mes premi�res fois sont si loin derri�re moi. Je ne me vante gu�re, mais je me fais rappeler qui je suis. Pr�tendre comprendre, c�est ignorer, oser c�est une exp�rience davantage. �Vaut mieux tard que jamais.� Un tas de choses doit �tre expliqu�. Mais cette fois est une premi�re. Cet amour est une exception. Il est r�el, sans artifices. Il se rapporte � l��vidence. Il est vivant. Il est vital. Il s�incarne : le voil� tendre et si fragile. Sans toi, il manque des fondements. Il n�a ni visage ni raison d��tre. Donc, il est p�nible et douloureux. Mais il existe. Il t�attend � jamais : il est d�j� r�veill� quand le soleil � la fin du jour se l�ve, il admire son prochain accouchement. La nuit, il �pie la lune et les �toiles. La pluie le d�salt�re. Quand il fait beau, cet amour se fane. Il esp�re, un jour, que tu viennes le joindre pour accomplir ce que, seul, il n�a pas pu faire. Il bat. Chaque battement est un hymne. Il suit un parcours. Son parcours suit un destin. Son destin est dans le m�me chemin que toi. Donc cet amour te suit : tu es sa destin�e, sa cible, sa finalit�. Quant � moi, je tremble, ma gorge devient s�che, j�ai l�air �trange. Mille et un mots dans ma bouche, je panique. Je suis debout. L�homme tr�buche, mais ne tombe jamais. Il pleure, mais en cachette. Chaque soir, je descends, pas � pas. Arrivant pr�s de chez toi, je m�approche un peu ; je contemple la porte, le seuil, les murs. J�ouvre pleinement les yeux, croyant un jour pouvoir y p�n�trer, la bague � la main, � genoux te guettant de pr�s, les youyous s�accentuent, mon attention est grande, vive, vigilante. Une fi�vre envahit mon corps ; je rougis, engourdi par les sensations que d�gage mon c�ur. Content. Ma vie �tait obscurcie par une longue nuit, j��tais nu, j�avais faim. Aujourd�hui, ta pr�sence me suffit comme lumi�re, je porte ton amour comme habit, mes id�es sur toi me servent comme aliment. A la base, l�amour est, sans le moindre doute, la liaison de deux personnes par un lien spirituel. Dis-moi, combien de relations s�rieuses tu as eu ? Je ne te demande rien, sinon une seule occasion, car je ne comprends pas le fait de me fermer toutes les portes d�s le premier contact. Je trouve ainsi insupportable tant d�appr�hension. N�aie pas peur, laisse-moi d�couvrir � quel point tu es formidable. Khayyam dit : �Si tu n�aimes personne, � quoi te sert-il si le soleil qui se l�ve et se couche ?� Cependant, il est clair, tu veux t��loigner, voulant couper le fil d�espoir qui m�est dessin�. C�est un choix tout � fait logique ; pourquoi devrais-tu accepter une telle relation ? Il m�arrive souvent � ou presque toujours � d��tre ind�sirable. Ce n�est pas la premi�re fois, j�ai d�j� l�habitude de savourer cette amertume. Tu me l�as signal� maintes fois : tu ne veux pas perdre notre amiti�. Mais tu n�as pas peur de me perdre. Est-ce que notre amiti� vaut plus que moi ? En fait, l�amiti� n�a rien contre l�amour. Au contraire, elle le motive : une personne qu�on conna�t bien est mieux que celle qu�on conna�t peu. Et celle qu�on conna�t peu vaut mieux que celle qu�on ignore totalement. Je te le dis, ces derniers moments, je me lamente tout le temps, me plains d�avoir v�cu. Si j��tais dans le noir silence de l�au-del�, je ne serais pas en butte � des vexations sans nombre. Mes m�ditations glissent, les questions se suivent : pourquoi ai-je v�cu comme �a et pas autrement ? Aurais-je d�cid� diff�remment si j��tais mieux plac� ? Pourquoi �tre n� dans un monde o� nos vertus ne sont plus reconnues ? O� le vrai amour est inexistant ? O� nos vices sont �perdument appr�ci�s ? O� ceux envers qui nous �prouvons le plus noble de nos sentiments nous tournent le dos ? O� celui qui nous pla�t nous boude ? O� les apparences ont bien plus de valeur que le fond ? O� les ordres sont invers�s ? O� chat et rat sont devenus amis ? Les questions se pr�cipitent, elles sont violentes : pourquoi j�affiche toujours de la faiblesse devant une situation pareille ? Si j��tais mieux plac�, si j�avais une autre famille, si j�avais la plume de Paulo, si j��tais beau comme Brad, fort comme George, brillant comme Karim, riche comme Bill, comment aurais-tu r�pondu ? Certes, je ne sais pas si les choses affichent une ambigu�t�, ou si c�est nous qui les confondons ainsi. Je te rassure que ce dont je suis s�r, c�est que je ne regrette gu�re d�avoir v�cu ainsi, d�avoir eu cette famille, d��tre aussi laid que je suis, d��tre si faible, d��tre inconnu m�me pour ma personne, d��tre pauvre et digne. Je ne regrette pas d��tre la personne que je suis aujourd�hui, je suis comme je suis, je suis fait comme je suis. Enfin, ce monde me para�t aussi minuscule que cette fen�tre � travers laquelle je le regarde. Il est temps de rejoindre mes livres. Ils m�attendent. Ils m�offrent, au moins, cet espace virtuel pour m�exprimer, m�identifier, t�imaginer, pourquoi, pas dans chaque histoire�