Le silence r�gne dans la cuisine. Les rangements vieillis, suspendus � des pitons bien fix�s au mur en gr�s blanc mat, donnent au vernis encore reluisant un aspect de deuil en l'absence de la ma�tresse de maison qui ne ratait pas un jour de les encaustiquer de son bras vigoureux. Triste ce silence pesant, quand chez le voisin d'en face, des cris stridents de bambins, des vocif�rations de la maman, des bruits de vaisselle et de divers ustensiles annoncent l'heure rituelle du repas. La chaise en formica de couleur mandarine, rang�e au m�me endroit, sous le vasistas, depuis plus de 50 ans est vide. Comment ne pas penser � la grande dame ? Elle n'est plus l� la m�re, la grand-m�re, l'arri�re-grandm�re. Elle s'en est all�e furtivement, sans douleur ni souffrance � l'or�e de ses 91 ans. Parmi les histoires puis�es dans notre grande et sainte religion, l'une d'elle rapporte : �El djena taht ardjoul el oumahat� (le paradis d'Allah est sous les pieds des m�res). Comment ne pas croire � cette noble citation quand la m�re n'est pas seulement celle qui engendre, celle qui donne naissance, nourrit et �l�ve ses enfants ? Elle est aussi un gardien, un protecteur et un soutien sans failles. Toutes les m�res du monde poss�dent une in�puisable vertu d'amour. Leurs sens aiguis�s vibrent au moindre appel de d�tresse. La d�licatesse d'une rose, la gr�ce d'une �louve� prot�geant ses petits, �veillent leur attention passionn�e. Pour ceux qui battent leurs parents, les offensent par des injures, les jettent � la rue sans aucun scrupule, je leur dirai de vous m�fier de la col�re de Dieu, car ils sont l'ic�ne de sa tendresse. J'ai grandi avec l'amour de ma m�re naturellement religieuse, arm�e de patience et de douceur, elle �tait toujours pr�sente pour mettre un terme aux conflits relationnels entre les membres de la famille en veillant sur chacun. La mort n'est qu'une p�rip�tie de la vertu, c'est qu'il ne s'agit pas de vivre mais de bien vivre dans la dignit�, la tol�rance, la biens�ance, le recueillement et la spiritualit�. Ma m�re, comme une toute autre m�re, �margeait � ce registre. La lumi�re qui entretenait le feu de l'amour dans le foyer s'est �teinte un mercredi 3 f�vrier 2010 � 15h.