Si l�on admet pour vraie l�acception qui voudrait que le militantisme rime avec conviction et pers�v�rance, l�attribut d�hommes politiques manquerait � nombre d�anciens animateurs de la sc�ne politique nationale. Il manquerait � tous ceux qui, petit � petit ou brutalement, ont rompu avec leurs engagements militants, voire partisans ant�rieurs. Certains se sont �clips�s apr�s une d�faite et une d�ception �lectorale, comme incapables de se relever et de survivre � l��chec. D�autres se sont retir�s de la sc�ne apr�s avoir go�t� aux d�lices d�une promotion qui leur a fait assumer une charge minist�rielle. Il y a enfin ceux, anciens responsables et commis de l�Etat, qui ont fini par ronger leur frein apr�s d�infructueuses tentatives de se refaire une sant� politique, non pas en guettant le rappel en bas de l�escalier de service mais en empruntant les sentiers abrupts de la structuration partisane. La difficult� les a fait rechigner devant la t�che. S�ils doivent persister � tendre l�oreille aux grondements politico-sociaux qui sourdent continuellement, ils s�interdisent la parole, la prise de position. Ils se r�sument de coller aux mondanit�s et s�obligent, quand il le faut, � faire acte de pr�sence aux recueillements, aux enterrements. Ali Benflis, une seule �preuve puis le silence Ancien chef de gouvernement et ancien secr�taire g�n�ral du FLN, Ali Benflis, candidat malheureux � l��lection pr�sidentielle d�avril 2004, est celui qui incarne le mieux ce paradoxe de l�homme politique alg�rien. Ali Benflis est rentr� chez lui au soir d�une d�faite �lectorale. Depuis bient�t six ann�es maintenant. Il est rentr� chez lui avec, dans l�attitude, un renoncement d�finitif, du moins prolong� � toute entreprise politique. Il re�oit, dit-on, chez lui, commente l�actualit� politique mais se garde bien de d�clarations publiques. Chez lui, le silence est une r�gle d�or. M�me lorsqu�on le croise, qu�on l�interroge, il ne va pas au-del� de l��change de politesses. Aussi, on ne sait quels desseins politiques nourrit-il, lui qui est encore trop jeune pour faire ses adieux au m�tier qui l�a fait par le pass� chef de gouvernement et secr�taire g�n�ral du Front de lib�ration nationale. Il se dit qu�il se met en r�serve de la R�publique, comme il est de tradition chez ceux qui, comme lui, se retrouvent un jour �ject� du s�rail. Faut-il croire � une telle assertion ? Difficile dans son cas, apr�s les p�rip�ties qu�il dut endurer pendant qu�il engageait et menait le bras de fer avec le pr�sident Bouteflika. Mais s�il doit quitter son hibernation et refaire surface un jour, � l�appel d�un s�rail remodel� ou sous l�impulsion de conjonctures politiques favorables, il aura n�cessairement � expliquer son silence. Sid-Ahmed Ghozali ou l�apprentissage inaccompli de l�opposition Son n�ud de cravate papillon ne lui a pas �pargn� la disgr�ce. Sid- Ahmed Ghozali, ancien chef de gouvernement est de ces hommes politiques qui ne sont pas all�s au bout de leur safari politique en enfourchant le cheval partisan sur les chemins escarp�s de l�opposition. Il a d�couvert, � ses d�pens, qu�une telle travers�e n�est pas une sin�cure. Son projet de parti politique avort� par une administration qui semble avoir jur� de ne pas inscrire de nouveau-n� sur la sc�ne politique nationale, Sid-Ahmed Ghozali a fait, en d�pit de cet al�a, preuve d�abn�gation militante. Sevr� de structure partisane, l�ancien chef du gouvernement s�est illustr� quelques ann�es durant acteur politique mais surtout contradicteur patent� du pouvoir incarn� par Bouteflika. Cependant, son endurance a eu des limites. L�usure semble avoir eu raison de son engagement. Comme lass� par les circonvolutions d�une vie politique r�gent�e par la censure autoritaire et la restriction des espaces d�expression, Sid-Ahmed Ghozali s�est soustrait � l�ambiance politique du moment. On ne lui lit quasiment plus rien et ses apparitions publiques sont r�duites de mani�re drastique. A-t-il mis un trait sur sa vie politique ? Il n�y a que lui pour le dire. Pour cela, il va falloir qu�il rompe le silence. Pour le moment, il se tait. Mouloud Hamrouche, l�homme qui n�a pas fini d�attendre Il a de la patience. Il sait conduire des r�formes. Il sait aussi attendre. Lui, c�est Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement que le syst�me politique qu�il a servi a mis sur la marge. Il faut dire que Mouloud Hamrouche a surv�cu aussi par la gr�ce que la reconnaissance lui a toujours vou�, lui qui eut l�insigne honneur de signer l�acte de naissance des journaux priv�s. Il a toujours eu place dans les colonnes pour un commentaire ou l�expression d�une position. Cependant, Hamrouche n�a jamais �t� tent� de se doter d�un instrument partisan de lutte. Du moins, il n�a rien entrepris dans ce sens. Il avait une aura et bonne presse chez les m�dias et cela semble lui suffire dans sa tentative de reconqu�rir le pouvoir. Il jugea que 1999 �tait la course qu�il ne lui fallait pas rater. Engag� dans la comp�tition, il se retira, d�un accord commun avec cinq autres candidats � l��lection pr�sidentielle. Depuis, il a �t� de quelques initiatives, celles notamment qu�il r�fl�chissait avec A�t Ahmed et Abdelhamid Mehri. Le trio devait, d�ailleurs, en proclamer une des plus importantes. Cela n�est pas encore arriv�. Mouloud Hamrouche aura attendu mais ni A�t Ahmed, encore moins Abdelhamid Mehri n�ont sembl� tenir � cette perspective qu�ils annonc�rent, pourtant, avec une foi sacerdotale. Les ann�es se sont �gren�es. Mouloud Hamrouche, tout au long, rongeait graduellement son frein. Aujourd�hui, il n�alimente plus la chronique. Noureddine Boukrouh, le chef de parti devenu ministre En fondant le Parti du renouveau alg�rien (PRA), Noureddine Boukrouh faisait une entr�e fracassante sur la sc�ne politique nationale. Sa jeunesse et quelques id�es novatrices lui valurent une place honorable sur l��chiquier national, m�me si le verdict de l�urne devait rappeler, � chaque occasion, le dur m�tier de militant. Mais Boukrouh avait-il r�ellement vocation � faire de la politique un m�tier ? Les diatribes qu�il eut � engager avec le conseiller du pr�sident Zeroual, le g�n�ral Betchine, le pr�sentaient comme un militant qui avait de la poigne. Mais vite, l�opinion d�couvrira en lui un homme tout juste ambitieux, quelqu�un qui changea de bord � la premi�re sollicitation, en allant rejoindre le gouvernement. Devenu ministre sous Bouteflika , Boukrouh fera du mieux qu�il pouvait pour para�tre bien int�gr� dans l�ex�cutif. Heureux de cette promotion, il oublia le PRA qui, entre-temps, conna�tra de p�nibles remous. Le parti ne s�est toujours pas remis de ses nombreuses guerres intestines. Jusqu�� aujourd�hui. Quant � Boukrouh, il s�est mis hors des feux de la rampe sit�t d�barqu� de l�ex�cutif. Il n�a plus �crit depuis. Pourtant, il affectionnait bien trop le trait de plus. Il en conna�t quelque chose au m�tier de r�daction. Abdallah Djaballah, un islamiste en peine Deux partis plus loin, Abdallah Djaballah, l�islamiste � la ch�chia blanche et � la barbe noire bien fournie, est toujours sans amarres partisanes. L�homme a la facult�, ou la m�l�diction, de fonder des partis politiques d�o� il se retrouve � chaque fois �ject�. Il a cr�� Ennahda. Il a �t� d�barqu�. Sans s�avouer vaincu, il renouvela l�exercice et fonda El Islah. Bis repetita. M � m e man�uvre et � nouveau d�barquement sans sommation . Djaballah semble poursuivi par le sort. Il collectionne les �checs et cela ne semble pas le d�courager. Il avait � l�id�e, avant qu�il ne s�abandonne � la perspective de fusion avec ses amis devenus adversaires, de relancer une nouvelle structure partisane. Finalement, il se fera avoir comme un novice. De fusion point. Ce n��tait pas ce chemin de traverse qui allait le remettre en selle. Mais par ailleurs, il sait qu�il ne doit s�attendre � nulle indulgence de la part de l�administration s�agissant de l�agr�ment d�un �ventuel nouveau parti politique. Alors, il couve ses d�ceptions r�p�t�es, loin des brouhahas politiques ambiants. Durant ces moments de d�prime, il trouve, n�anmoins, la force et l�inspiration d��crire. Un jour, il avouera m�me aux journalistes qui le questionnaient sur ce qu�il compterait faire s�il n�arrivait pas � reprendre selle, qu�il se mettrait � �crire des livres. Il en a, au demeurant, �crit. Mais s�il est de moins en moins visible, cela ne veut pas dire qu�il a pris cong� d�finitif de la politique. Il a la r�cidive chevill�e au corps. M�me s�il faut bien le dire, il est r�cidiviste malheureux.