L'homme de m�tier est un autre aspect caract�ristique de la soci�t�. Pour entrer dans la peau d'un personnage, l'homme de m�tier passe inaper�u si ce n'est son go�t prononc� pour le parfait, le beau et le service qui le d�masquent. Prenons comme exemple : un couturier, un tailleur, un trimmer, un chausseur ou un habilleur chemisier. Sa fonction est une �valeur� qui d�passe l'aspect du gain. L'homme de m�tier est circonspect. Il met en avant sa longue exp�rience, la qualit� du travail ou de la chose et du service plut�t que le prix qui n'indique que la valeur marchande. Quelle que soit l'option politico�conomique du pays dans lequel il r�side (mod�le minimaliste ou mod�le constructiviste,) il s'inscrit dans le cadre d'une approche plus g�n�rale du �sacerdoce� dans l'exercice de son m�tier ; c�est la notion du �savoir-faire�. Le savoir-faire s'acquiert apr�s de longues ann�es d'apprentissage et de dur labeur. Savoir cr�er un mod�le, savoir d�rouler un coupon de tissu pour en faire un costume ou une robe, choisir les boutons qui vont avec, savoir conseiller une paire de chaussures qui embellira les pieds d'une femme, savoir conseiller et habiller une personne en fonction de ses go�ts, n'est pas chose ais�e. Les hommes de m�tier ont rompu avec l'archa�sme marchand bien avant le d�veloppement �conomique des grandes art�res des villes et l'attrait d'un niveau de vie et d'une ambiance urbaine valoris�s par une publicit� m�dia redondante. Il y a un peu plus de 40 ans, p�riode de r�f�rence mondiale de l'engagement pour la paix, la justice, le droit � la vie d�cente, l'amour du prochain et du commerce �quitable. Slogan admirablement repris par les ic�nes de la chanson de l'�poque. Nos hommes de m�tier �uvraient dans ce contexte o� le march� n'�tait pas l'ennemi, ce n'�tait qu'une proc�dure qui organisait un juste �change. Aujourd'hui, le v�ritable adversaire n'est pas le march� mais l'individualisme marchand. L'av�nement du XXIe si�cle avec le concours de la pub qui tient pour asocial celui qui n'est pas �tendance�, les sp�cialistes de la bonne affaire ou des cr�neaux porteurs ont compris que l'utile et le rentable est en accord non pas avec le savoir-faire, mais avec le temps. Le temps de la consommation devenue festive, consensuelle et c'est tout le monde qui va ouvrir un magasin o� on ira se retrouver pour acheter fringues, chaussures, parfums et cosm�tiques de chez... Les �vendeurs de bonheur et du r�ve� auront ainsi submerg� les hommes de m�tier oblig�s pour la plupart de baisser rideau sinon vendre fonds et mur tant que l'entr�e d'un ex-grand cin�ma d'Alger n'�pingle plus � son tableau, affiche et s�quence photos du film � projeter mais des affichettes de solde. Le bonheur ce n'est plus la pl�nitude, c'est ce qui cadre le mieux avec le d�sir, voire la n�cessit� de consommer made in... Tant que l'on s'ent�te � croire que le �bonheur� tient dans des moments de plaisir, on est pr�t � consommer pour �tre heureux. Comme nous n'avons pas encore forg� l'expression �d'�thique des affaires� pour avoir pris conscience de respecter certaines r�gles de d�ontologie, les hommes de m�tier du textile, du cuir, du commerce urbain... continueront � dispara�tre, comme l'ont �t� leurs pr�d�cesseurs (ferblantier, dinandier, charpentier, laitier restaurateur, etc.)