Le président français, Emmanuel Macron est attendu, demain 6 décembre à Alger, pour une visite éclair de quelques heures. Une date qui coïncide avec le cinquième anniversaire-jour pour jour-de la promulgation de la loi du 6 décembre, consacrant le 19 mars, comme «journée nationale du souvenir de la guerre d'Algérie, et des combats au Maroc et en Tunisie». Mais, quelle mémoire ? Soufflant le chaud et le froid, le premier locataire de l'Elysée, qui après avoir «décrété», au mois de mai dernier, la colonisation comme «crime contre l'humanité», alors qu'il était en campagne à Alger, opère un revirement spectaculaire. Edulcorant ses déclarations, Macron le candidat sera trahi par Macron le président. Et c'est là où la mémoire sélective s'étale au grand jour. Pour cause, en reconnaissant au mois de juillet dernier, devant le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, «la responsabilité de l'Etat français» dans la rafle du Vel D'hiv en 1942, le président français a observé le silence radio, trois mois plus tard à l'occasion de la commémoration des massacres du 17 Octobre 1961, où des dizaines d'Algériens ont été jetés à la Seine par les barbouzes de Maurice Papon, préfet de Paris à l'époque. Ce dernier n'incarne-t-il pas l'Etat français, M Macron ? Pourquoi cette «dérobade», au moment où tout le monde s'attendait à un geste ne serait-ce symbolique de votre part ? Pis, en marge de sa visite au Ghana, et quelques jours après la «leçon» d'Ouagadougou à la jeunesse africaine, le chef de l'Etat français, dans un entretien accordé à la chaîne TraceTV, en remet une couche. Répondant à la question de la journaliste qui l'interrogeait sur la colonisation, Macron rétorque : «...il faut qu'il y ait une réconciliation des mémoires, c'est ce à quoi je tiens beaucoup. C'est-à-dire que dans la mémoire française, dans l'histoire de la France, comme dans l'histoire de l'Afrique, on doit parler de ces pages noires, comme des pages glorieuses». Un «crime contre l'humanité» qui devient subitement une «gloire» ? Se voulant plus ferme, il ajoutera : «J'ai souvent dit: ni déni, ni repentance. Il faut regarder les choses en face, c'est notre histoire commune», a-t-il ajouté, appelant à «regarder de manière très dépassionnée cette période». Zitouni: rien sans la mémoire Et de conclure: «ce passé c'est notre viatique pour l'éternité(...) mais ce qui compte, c'est notre avenir commun». Dans un communiqué l'Elysée fait dans la pédagogie : «Il (Macron : ndlr) a dit les choses, les choses sont très claires, ça a été très apprécié par les Algériens (…) mais là, aujourd'hui, l'idée du président, c'est de tourner la page et de construire de nouvelles relations avec l'Algérie.» Ce que les autorités algériennes n'entendent pas de cette oreille. S'exprimmant, hier, au Forum de la Radio nationale, le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni lie toute avancée dans les relations bilatérales entre la France et l'Algérie à la prise en charge, et de manière définitive, du passif historique. Il estime que le non-traitement des questions de la mémoire va davantage miner les relations entre les deux pays. Pour le ministre, «la question de la mémoire est primordiale pour une relation de confiance entre les deux pays». «Nous attendons beaucoup de la visite de Macron qui a déjà déclaré que ce qu'a fait le colonialisme en Algérie est un crime de guerre», a souligné le ministre pour lequel «56% des Français demandent à la France de reconnaître ses crimes coloniaux». Autant de préalables à même de rafraichir la mémoire de l'hôte de l'Algérie, qui lors de son escale algéroise va, pourtant, se recueillir à la mémoire des martyrs de la guerre de libération.