Pari gagné pour les indépendantistes ? Selon des résultats quasi définitifs du jeudi 21 décembre, les trois partis indépendantistes (ERC-CatSi, Ensemble pour la Catalogne, CUP) obtiennent la majorité des sièges au parlement régional – 70 sur 135. C'est toutefois le parti centriste libéral Cuidadanos qui arrive en tête des suffrages avec 25 % des voix (37 sièges) alors que la participation a atteint un niveau historique (82%, contre 75% en 2015). La liste Ensemble pour la Catalogne, du président séparatiste destitué Carles Puigdemont, obtiendrait 34 élus, et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), de son ex-vice-président emprisonné, Oriol Junqueras, en aurait 32. Avec les anticapitalistes de la CUP (4 élus), les trois listes indépendantistes obtiendraient ainsi ensemble 70 sièges et retrouveraient la majorité absolue dont elles disposaient dans le parlement dissous par le gouvernement central. Le parti du premier ministre, Mariano Rajoy, le Parti populaire, ne récolte que 4% des voix et 3 sièges. Le dirigeant séparatiste catalan en exil Carles Puigdemont a salué jeudi soir à Bruxelles la victoire du camp indépendantiste, soulignant que c'est «un résultat que personne ne peut discuter». Il a ajouté que c'était une victoire de la République catalane sur l'Etat espagnol. Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy a perdu le plébiscite qu'il cherchait, et le fait que le camp indépendantiste reste majoritaire est «une claque», a jubilé M. Puigdemont devant un petit parterre de militants indépendantistes catalans et de sympathisants nationalistes flamands réunis dans une salle du centre de Bruxelles. «Je veux féliciter le peuple catalan parce qu'il a donné une leçon au monde, une leçon de civisme et de démocratie !», a lancé M. Puigdemont, un grand sourire aux lèvres, après avoir été acclamé par l'assistance aux cris de «Président, président ! Nous avons gagné cette nuit le droit d'être écoutés !», a-t-il martelé. Mais la dureté de la campagne électorale et le risque que le bras de fer entre indépendantistes et gouvernement espagnol perdure «nous empêchent de sabrer le «cava», a-t-il ajouté en référence au vin pétillant espagnol, l'un des produits phares de la Catalogne. «L'Europe doit en prendre bonne note, la recette de Rajoy ne fonctionne pas» en Catalogne, a-t-il également jugé, en vilipendant la procédure utilisée par Madrid pour destituer l'exécutif régional et prendre le contrôle des institutions après que la région eut déclaré son indépendance. «Notre position sur la question de la Catalogne est bien connue et a été réitérée régulièrement, et à tous les niveaux. Elle ne changera pas. S'agissant d'une élection régionale, nous n'avons pas de commentaire à faire», a indiqué pour sa part un porte-parole de la Commission européenne, Alexandre Winterstein. Depuis le début de la crise, l'UE s'est refusée à reconnaître l'indépendance unilatéralement proclamée par le Parlement de Catalogne, considérant qu'il s'agissait d'une «affaire intérieure» espagnole et appelant au «respect de la Constitution espagnole» que Madrid affirme défendre. Deux mois de bras de fer Ces élections se sont tenues plus de deux mois après le référendum d'autodétermination organisé par le gouvernement catalan, en dépit du refus de Madrid. Le oui l'avait alors emporté avec 90% des voix, mais avec seulement 43% de participation. La Catalogne a «gagné le droit d'avoir un Etat indépendant sous la forme d'une république», lance alors le président catalan, Carles Puigdemont. S'ensuivent alors plusieurs semaines de tensions et d'ultimatums entre Madrid et Barcelone. Le 27 octobre, les députés catalans votent une déclaration proclamant l'indépendance de la Catalogne par 70 voix pour et 10 contre. La rupture avec Madrid est consommée, mais la victoire symbolique est de courte durée. Moins d'une heure plus tard, le Sénat vote l'application de l'article 155 de la Constitution, qui permet à Mariano Rajoy de placer la Catalogne sous tutelle. Le premier ministre espagnol assume la présidence de la région, destitue le gouvernement catalan, dissout le Parlement régional et convoque des élections régionales le 21 décembre. Alors que les unionistes commencent à se faire entendre et à se mobiliser dans les rues, M. Puigdemont est visé par une plainte du parquet, à la fin d'octobre, notamment pour «rébellion, sédition et malversation». Il décidera alors de s'enfuir pour la Belgique, où il a fait campagne pour ces élections ces dernières semaines. Puigdemont propose à Rajoy de le rencontrer L'ancien président du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, s'est dit, hier, prêt à rencontrer le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, «dans n'importe quel Etat membre de l'Union européenne», en dehors de l'Espagne et une fois les résultats de l'élection reconnus. Il tenait une conférence de presse à Bruxelles, au lendemain de la victoire des partis indépendantistes aux élections régionales convoquées par Madrid. «Je suis prêt à rencontrer M. Rajoy à Bruxelles ou dans n'importe quel autre état européen», sauf l'Espagne, a déclaré Carles Puigdemont, en exil en Belgique car poursuivi en Espagne pour avoir proclamé l'indépendance de la Catalogne. Le Catalan a souligné avoir toujours été prêt au dialogue. «Mariano Rajoy a tout essayé : la violence, sauf s'asseoir et entamer un dialogue», a-t-il asséné. «Ce scrutin nous donne encore plus de légitimité, j'espère qu'il (M. Rajoy, ndlr) est prêt à nous écouter à présent». Sur la possibilité qu'il rentre en Espagne, où il est poursuivi notamment pour rébellion et sédition, crimes pour lesquels il encourt jusqu'à 30 ans de prison, M. Puigdemont a répondu qu'il demandait «juste que le gouvernement espagnol nous respecte. C'est ça la garantie. S'ils respectent la démocratie, je peux rentrer demain». La liste menée par Carles Puigdemont a remporté 34 sièges au parlement régional. Le parti Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, gauche républicaine) d'Oriol Junqueras, ancien vice-président du gouvernement régional espagnol et toujours en détention, arrive juste derrière, avec 32 sièges. Avec les quatre élus du parti d'extrême gauche CUP, ils totalisent 70 députés, soit une majorité absolue dans le parlement de 135 sièges. Les Catalans, qui ont battu avec près de 82% de votants le record historique de participation dans la région, ont ainsi accordé jeudi 47,6% des voix aux indépendantistes et près de 52% des suffrages aux partis défendant l'unité de l'Espagne. La loi électorale catalane prévoit un système de pondération des voix qui avantage les provinces rurales, où les indépendantistes sont très implantés, d'où leur victoire en sièges au parlement régional. L'ancien président catalan Puigdemont a également demandé à être entendu par l'Union européenne.