De nouvelles arrestations dans les rangs des Frères musulmans ont eu lieu hier en Egypte suite aux manifestations organisés à travers le pays en réponse à la demande de la confrérie qui a appelé à manifester massivement et de manière pacifique après la prière du vendredi, sous le slogan «Vendredi des martyrs». Suite à l'arrestation du guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, la confrérie a appelé à de grandes manifestations contre le pouvoir militaire en place. Outre les arrestations, le bilan provisoire fait état d'au moins 29 personnes tuées et 242 autres blessées dans des affrontements à travers le pays, a rapporté hier l'agence de presse officielle égyptienne. «Sept personnes ont été tuées à Damiette, quatre à Ismaïlia, trois à Gizeh, trois au Caire et une à Sohag», a déclaré Mohamed Sultan, le chef de l'autorité ambulancière d'Egypte. Trois autres personnes ont été tuées au canal de Suez, gouvernorat de Port-Saïd. La télévision d'Etat a également rapporté que huit personnes ont été tuées à Alexandrie, et au Caire, la capitale, au moins 109 personnes ont été blessées. D'autre part, un policier a été tué et trois autres blessés par des hommes armés inconnus qui ont ouvert le feu sur un poste de contrôle à New Cairo, selon MENA. Les manifestations d'hier étaient concentrées au sud du Caire, à Gizeh notamment, où les Frères musulmans avaient obtenu de bons scores aux élections. Des manifestations ont été également prévues à Suez, en Moyenne-Egypte, dans le delta et à Alexandrie, ainsi que dans le nord du Sinaï et dans des villes proches de la frontière libyenne. Les affrontements entre les partisans de Morsi et les forces de sécurité intervenues mercredi pour faire évacuer deux places du Caire, ont causé la mort d'au moins 525 personnes en plus de 3717 blessés, selon le ministère de la Santé. Depuis une semaine, les Frères musulmans peinent à mobiliser les foules, surtout après la dispersion dans le sang de sit-in, le 14 août, suivis de violences provoquant la mort de près de 1000 personnes, selon un bilan officiel. Les Frères musulmans, eux, affirment que 2200 personnes ont été tuées. Plusieurs hauts responsables de la confrérie ont été arrêtés et inculpés «d'incitation à la violence» et, pour certains d'entre eux, de «meurtre». Mohamed Badie et ses deux adjoints, Khairat Al Chater et Rachad Bayoumi, sont eux poursuivis pour «incitation au meurtre et à la torture» de manifestants anti-Morsi qui avaient attaqué le quartier général des Frères musulmans, le 30 juin, lors de la grande manifestation des opposants à Mohamed Morsi. Près d'un millier d'islamistes ont été arrêtés en une semaine. Le dernier en date est celui du porte-parole des Frères musulmans, Ahmed Aref, arrêté jeudi. Le procès de ces cadres de la confrérie islamique devrait commencer demain. Par ailleurs, le ministère égyptien de l'Intérieur a déclaré jeudi dans un communiqué que la police tirerait à balles réelles contre toute nouvelle attaque contre des propriétés publiques ou privées, a rapporté la télévision d'Etat. «Le ministère de l'Intérieur a donné instruction à toutes les forces d'utiliser des balles réelles pour faire face à toute agression contre les bâtiments du gouvernement et les forces de police», a déclaré le ministère de l'Intérieur dans un communiqué télévisé. Toutes les forces concernées par la protection des institutions gouvernementales ont reçu des armes, a-t-il ajouté. Cette décision fait suite à l'attaque du siège du gouvernorat égyptien de Gizeh, qui a été envahi et incendié jeudi par des partisans du président déchu, au lendemain d'une «opération de dispersion» contre des sit-in pro-Morsi au Caire et à Gizeh, ainsi que de heurts dans les autres gouvernorats. Obama annule les exercices militaires communs Le président des Etats-Unis, Barack Obama, a «vivement condamné» jeudi les mesures prises par le gouvernement égyptien par intérim et par les forces de sécurité de ce pays, annonçant du même coup l'annulation d'exercices militaires communs prévus entre les deux pays, comme première réaction à la répression violente de manifestants dans ce pays. «Notre coopération traditionnelle ne peut pas se poursuivre comme si de rien n'était pendant que des civils se font tuer», a déclaré M. Obama dans un message audio diffusé à la nation depuis Martha's Vineyard, le lieu de villégiature où il passe ses vacances en famille dans le Massachusetts, sur la côte est des Etats-Unis. Plusieurs heures après ces opérations, le gouvernement par intérim égyptien a déclaré l'état d'urgence national pour une durée d'un mois, imposant un couvre-feu au Caire et 10 provinces du pays, et autorisant les forces de sécurité à arrêter et détenir des civils sans procédure judiciaire pour une durée indéfinie. L'exercice militaire commun Bright Star, annulé par M. Obama, est un événement bisannuel organisé avec l'Egypte et qui devait avoir lieu le mois prochain dans la région du Sinaï. Washington avait déjà suspendu le mois dernier la livraison de quatre chasseurs F-16 au Caire pour signifier son mécontentement face à la gestion par l'armée des troubles politiques quand l'éviction de M. Morsi le 3 juillet a déclenché des heurts violents dans le pays. Le conflit prolongé en Egypte suscite de vives préoccupations chez la communauté internationale. De son côté, l'Union européenne (UE) a décidé mercredi de restreindre les exportations d'armes vers l'Egypte, avait annoncé la chef de la politique étrangère du bloc Catherine Ashton suite à une réunion extraordinaire du Conseil des Affaires étrangères à Bruxelles. «Les Etats membres ont accepté de suspendre les licences d'exportation vers l'Egypte de tout équipement pouvant servir à la répression intérieure et de reconsidérer les licences d'exportation couvertes par la position commune de l'UE», selon une conclusion de l'UE adoptée par les 28 ministres des Affaires étrangères du bloc. La plupart des pays de l'UE avaient déjà annoncé qu'ils suspendaient la livraison d'armes à l'Egypte en raison de la crise. Toutefois, la porte-parole de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a rappelé que «l'assistance aux catégories les plus vulnérables et à la société civile doit se poursuivre» dans le pays. «Nous avons affirmé notre soutien au peuple d'Egypte (...) qui est un partenaire essentiel de l'UE», a souligné Catherine Ashton à l'issue de la réunion. «Nous condamnons avec force tous les actes de violence et nous estimons que les actions récemment menées par les militaires ont été disproportionnées. Nous appelons toutes les parties à mettre fin aux violences», a-t-elle ajouté.