Pour parler de l'ouvrage bouleversant «Le Retour d'Ibn Toumert», récemment paru aux éditions ‘Anep', son auteur, Slimane Saâdoun été l'invité ce mardi de la librairie Chaïb Dzaïr à Alger. Auteur de plusieurs ouvrages dont ‘La femme de pierre', ‘Le puits des anges' et ‘Soleil d'outre-tombe', Slimane Saâdoun, ancien administrateur et enseignant à la retraite, a écrit ‘Le retour d'Ibn Toumert' pour s'exprimer sur la situation du pays. En effet, l'auteur a indiqué qu'il souhaitait dénoncer la volonté de main-mise sur les esprits, les sociétés et de réduire la femme à une demi personne... Dans ce sens, il dira comment il est tombé sur Ibn Toumert au fil de ses recherches. «À plusieurs reprises, je me suis trouvé à introduire ce personnage dans mes précédentes publications et j'ai constaté à travers lui, que la situation actuelle du pays avait un précédent. En effet, cette dernière a déjà été vécue aux 12- 13e siècles à l'époque d'Ibn Toumert et où la volonté totalitaire de diriger la vie des autres, de n'accepter et laisser aucun choix aux autres, en leur indiquant la voie à suivre, en leur assurant qu'il n'y avait aucune autre interprétation des textes religieux que celle décidée par le chef, était vécue. Du coup, je me suis dis que finalement c'est un peu ce qu'on vit actuellement et ceci fait partie de l'héritage culturel qui a constitué un terrain favorable à l'influence étrangère. De ce fait, et pour l'écriture de mon livre, je ne me suis pas intéressé à la personne d'Ibn Toumert, mais plutôt à ses méthodes d'imposer ses choix et de n'accepter aucune autre interprétation que la sienne. De plus, ce qui m'a frappé dans l'histoire d'Ibn Toumert, c'est sa façon de voir la femme. Ses biographes racontent que lors de son passage à Béjaïa, il chassait les femmes qu'il voyait dans la rue à coups de bâton et qu'il avait fait tomber la fille du calife de Marrakech de sa mule sous prétexte qu'elle était dévoilée....», fera savoir Slimane Saâdoun. Une histoire bien pensée Concernant l'histoire du livre, l'auteur dira que c'est celle de deux principaux protagonistes, Anwa et Nouria. Le premier, est un jeune homme qui a trois quêtes dans sa vie, celle de son identité, puisqu'il a été orphelin et adopté, la seconde est celle de l'identité authentique de son pays et la troisième concerne, la femme. Une femme qui lui était mystérieuse car dans la société où il vivait, les filles et les garçons étaient séparés dès l'âge de six ans en leur disant que la femme constituait un danger pour l'homme et pour sa foi. Paradoxalement, Anwa trouve les réponses à ses trois quêtes grâce a une femme, Nouara...L'auteur rappellera par la suite, que ce livre n'est pas la biographie d'Ibn Toumert, mais qu'il s'inspire seulement du contexte socio-culturel qu'Ibn Toumert avait créé. «Ce dernier, sacré personnage du 12e siècle était un amazighe qui prêchait la bonne parole avec une connaissance intime de l'Islam et une lecture personnelle basée essentiellement sur l'interdit. Son interprétation de l'islam ne pouvait venir que de lui et il créa dans ce sens toutes les conditions pour se faire élire Imam de cette époque...il y a beaucoup à dire sur ce personnage qui a eu une grande histoire. On peut l'admirer comme on peut le détester...», a t-il poursuivi. Par ailleurs, concernant, le titre du livre, l'auteur dira qu'au départ, il lui avait donné le titre de «Chronique d'une vie promise», mais qu'il l'avait troqué pour «Le retour d'Ibn Toumert» considérant que les grands événements et les personnages historiques ne se répètent pas, mais se plagient. En outre, le côté subversif du livre a été évoqué par Sid Ali Sekhri, modérateur des rencontres littéraires de l'Anep, en soulignant ici l'impressionnante lecture de l'histoire de l'auteur. «Quand on évite d'écrire l'histoire librement dans le sens où il faut respecter certains faits, cela prépare le terrain qu'à des gens plus radicaux. Un pouvoir totalitaire s'instaure par la lâcheté des gens...». Sekhri, qui fera par la suite sa propre lecture de l'ouvrage, a reproché entre autre à l'auteur le discours politique carré que tiennent ces personnages ainsi que la façon avec laquelle il interprète le rôle extrêmement positif des femmes. «On a l'impression que c'est des saintes...», a-t-il regretté.