L'adaptation du roman littéraire de Mouloud Mammeri «La Colline oubliée» au cinéma par le défunt Abderrahmane Bouguermouh en 1997, a été le thème d'une conférence-débat tenue, hier, au niveau de la salle du petit théâtre de la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou , dans le cadre du 16e Festival culturel national du Film amazigh. Les professionnels du cinéma ont souligné lors de la conférence : «La colline oubliée du roman au cinéma» que le 7e art ne peut jamais remplacer la lecture et les lettres, puisque d'après eux, la fiction cinématographique est en retard pour rapporter la réalité par rapport à la littérature. Ainsi, ils ont soulevé que l'écrivain est beaucoup moins soumis à l'autocensure comparativement au cinéaste qui fait face non seulement à l'autocensure politique, mais aussi à celle de la société. Faisant comparaison entre le roman de Mouloud Mammeri édité en 1952 et son adaptation en langue amazigh par le cinéaste Abderrahmane Bouguermouh, Saïd Chemakh, enseignant-chercheur universitaire en linguistique amazighe au niveau de l'Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou (Ummto) a indiqué que la différence consiste dans l'analyse sémiologique entre l'œuvre et le film. La réalité «Je dirais que le réalisateur du film a préféré faire recours au regroupement des séquences du roman ou bien ce qu'on appelle les élagages et il y a des passages remplacés par des voies OFF, comme l'occupation allemande et le début de la 2e guerre mondiale. Ce qui n'est pas le cas pour l'écrivain Mouloud Mammeri qui a voulu démontrer la mobilisation des Kabyles dans cette guerre au même titre que les autres pays du monde entier». Dans son analyse, Chemakh a fait ressortir que ce film est symbolique et reflète le militantisme de Bouguermouh pour la promotion de la langue amazigh à cette époque idéologique d'exclusion de tout ce qui est culture berbère. En tant que littéraire, dira-t-il, l'écriture et les lettres ne peuvent jamais être remplacées par une fiction de cinéma, puisqu'il n' y a que le roman qui rapporte la réalité. Dans le même contexte, le même conférencier a estimé que ce film adapté au cinéma n'est qu'un symbole du militantisme du réalisateur pour la question identitaire de Tamazight, mais ne reflète guère le contenu de l'œuvre fondamentale de Mammeri. Chemakh a indiqué que la version originale du film : «La Colline oubliée» n'est pas encore attribuée par le producteur français de ce film suite au litige qui l'oppose avec le défunt réalisateur. «Je suis informé par l'épouse et le fils de Bouguermouh que le producteur a refusé de remettre la copie originale du film sous prétexte que la qualité du film n'est pas satisfaisante». Il précise également que le film projeté sur les écrans des salles de cinémas du pays n'est pas original «tout en soulignant que ce film n'est pas le premier adapté en langue amazigh sur l'écran, puisqu'il vient après l'adaptation sur écran de l'œuvre». L'Opium et le Bâton " réalisé par Ahmed Rachedi en 1969, l'incendie de Mohamed Dib adapté par Mustapha Badi en 1971, mais aussi «Le vent du sud» de Benhadouga. Absence de l'esthétique Lors de son intervention, Latifa Lafer, spécialiste du cinéma amazigh, consultante pour l'Union européenne a affirmé qu'il n'y avait pas le flux narratif qui rapproche le public du roman, puisque le réalisateur a voulu, à travers son film construire un ensemble de rituels d'une société Kabyle organisée et mettre en relief l'existence de la langue Amazighe à cette époque. Après avoir décortiqué point par point les passages du film, elle a précisé que plusieurs séquences du roman ont été supprimées dans le film du défunt Bouguermouh. «D'après elle, l'esthétique du cinéma qui consiste dans la structure des évènements comme rapportés par Mouloud Mammeri sont quasiment inexistantes dans le film».