Dans son ouvrage Alhadith fi ma jara (Récits du passé), l'ancien Premier ministre marocain Abderrahmane Youssoufi révèle la complicité et l'implication directe des services secrets de Hassan II et du Mossad dans l'assassinat de son farouche opposant, Mehdi Ben Barka. Plus d'un demi-siècle après sa disparition dans des conditions obscures, le célèbre opposant marocain fait toujours trembler les murailles du palais royal, impliqué dans des intrigues où se confondent services français et israéliens. Les mémoires de ce militant proche de Mehdi Ben Barka devraient apporter des éléments nouveaux sur son assassinat en France. Depuis sa disparition à Paris le 29 novembre 1965, le corps de l'opposant de Hassan II n'a jamais été retrouvé et l'affaire n'a jamais été élucidée. Au crépuscule de sa vie, cet ancien militant du parti Istiqlal marocain a décidé de dire la vérité, étant aujourd'hui âgé de 94 ans. Il vient attester les faits relatés auparavant sur cet assassinat. Mehdi Benbarka a été enlevé et assassiné par les services secrets israéliens à la demande de Hassan II, avec la complicité des services des renseignements français, DGSE, selon lui. «Chacun des trois pays, le Maroc, la France et Israël avait un intérêt particulier à faire taire Benbarka», a-t-il mentionné dans ses mémoires. Ceci confirme les révélations faites, depuis quelques années, par l'historien israélien d'origine marocaine Yigal Bin Nun, sur le rôle du Mossad dans cette abominable affaire. Les services secrets sionistes n'ont pas fait dans la figuration dans les préparatifs de l'assassinat de Ben Barka, puisque c'est eux qui ont repéré et pisté le leader de la gauche marocaine, et se sont ensuite chargés de faire disparaître son cadavre avec de l'acide, selon Yigal Bin Nun. Les Récits du passé représente donc un témoignage d'un homme du système qui accable de nouveau les services de renseignement français (DGSE) et israéliens (Mossad) dans l'enlèvement et l'assassinat de Ben Barka, sur demande des services secrets marocains. Si les révélations d'Abderrahmane Youssoufi s'avéraient exactes, on comprendrait, alors, pourquoi l'affaire Ben Barka n'a toujours pas été élucidée 52 ans après les faits. Cela impliquerait directement des responsables politiques français, marocains et israéliens. L'auteur qui a tenu à faire coïncider la parution ce jeudi, au théâtre Mohammed V de Rabat, avec son 94e anniversaire, regrette que son pays «n'ait pas pu amorcer un virage démocratique pour plusieurs raisons». Un document encore bloqué Parmi ces causes, l'incapacité de l'élite politique marocaine elle-même à opérer cette transformation. A cela s'ajoutent une «mauvaise gouvernance» et «une administration archaïque». Tous ces facteurs, explique l'ancien chef du gouvernement d'alternance, entre 1998 et 2002, ont empêché l'émergence d'un «Maroc nouveau» qui eut pu aller vers des transformations rapides. Ces «poches de résistance» ont «bloqué le processus de transition démocratique», a-t-il regretté. L'ex-président français François Hollande avait décidé en mai 2017, quelques jours avant de quitter ses fonctions, de lever le secret-défense sur 89 documents relatifs à l'affaire de l'assassinat politique de la figure de proue de la gauche marocaine. Ces documents englobent les rapports, notes de synthèse, bulletins de renseignement, procès-verbaux, auditions, questionnaires, fiches, biographies, photos et lettres de détenus. Mais un document est reste bloqué dans cette déclassification et la CSDN a refusé de lever le secret-défense. Selon les médias français, il s'agit d'un document qui se trouvait en 2010 dans les locaux de la Direction générale de la sécurité extérieure et dont on ignore le contenu. Mehdi Ben Barka fut l'un des principaux opposants socialistes au roi Hassan II et le chef de file du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste. Il avait initié de nombreuses mobilisations populaires au Maroc.