La situation actuelle dans les Antilles françaises, notamment en Guadeloupe, n'est pas sans évoquer Aimé Césaire, chantre du combat pour l'émancipation culturelle, voire politique, de ces îles des Caraïbes, toujours hantées par le fantôme de l'esclavage. Poète, homme de combat et des causes justes, Aimé Césaire a consacré sa vie à la lutte contre l'esclavage, l'aliénation culturelle… la colonisation. Ses idées ont été propagées à travers le monde au point où il influença un grand nombre d'auteurs et de révolutionnaires, tels que Frantz Fanon, Edouard Glissant, Daniel Maximin… On le surnommait «le Nègre fondamental».Sa pensée et sa poésie ont également nettement marqué les intellectuels africains et noirs américains en lutte contre la colonisation et l'acculturation. C'est au contact des jeunes Africains étudiant à Paris qu'Aimé Césaire et son ami guyanais Léon Gontran Damas, qu'il connaît depuis la Martinique, découvrent progressivement une part refoulée de leur identité, la composante africaine, victime de l'aliénation culturelle caractérisant les sociétés coloniales de Martinique et de Guyane. Ses rencontres de choix lui ont aussi permis d'échanger ses idées, notamment avec Léopold Sédar Senghor, avec qui il noue une amitié qui durera jusqu'à la mort de ce dernier. Mais une des causes de sa réussite est sans aucun doute le fait que son grand-père fut le premier enseignant noir en Martinique et sa grand-mère, contrairement à beaucoup de femmes de sa génération, savait lire et écrire. En septembre 1934, Césaire fonde, avec d'autres étudiants antillo-guyanais et africains (parmi lesquels Léon Gontran Damas, le Guadeloupéen Guy Tirolien, les Sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop), le journal L'Étudiant noir. C'est dans les pages de cette revue qu'apparaîtra pour la première fois le terme de «négritude». Ce concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l'oppression culturelle du système colonial français, vise à rejeter d'une part le projet français d'assimilation culturelle et à promouvoir l'Afrique et sa culture, dévalorisées par le racisme issu de l'idéologie colonialiste. Jusqu'à sa mort (17 avril 2008), Aimé Césaire a toujours été sollicité et influent. On notera sa réaction à la loi française du 23 février 2005 sur les aspects positifs de la colonisation qu'il faudrait évoquer dans les programmes scolaires, loi dont il dénonce la lettre et l'esprit et qui l'amène à refuser de recevoir Nicolas Sarkozy. Aimé Césaire avait une plume «tranchante» et sa poésie était de «haute voltige» : «Le soleil, le bourreau, la poussée des masses, la routine de mourir et mon cri de bête blessée et c'est ainsi jusqu'à l'infini des fièvres la formidable écluse de la mort bombardée…»La politique d'Aimé Césaire est incarnée par sa volonté de mettre la culture à la portée du peuple et de valoriser les artistes du terroir.