Un sit-in de solidarité et de soutien au journaliste marocain Ali Anouzla, directeur d'un journal électronique Lakome, arrêté mardi dernier à la suite de la diffusion par son site d'une vidéo attribuée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) s'est tenu, jeudi en fin d'après-midi à Rabat, a constaté l'APS sur place. Regroupés devant le ministère de la justice à Rabat, quelque 200 personnes pour la plupart des journalistes, militants des droits de l'homme et membres de la société civile ont réclamé la "libération immédiate" du journaliste tout en lançant des slogans "pour la liberté à la presse indépendante", "pour l'indépendance de la justice", "liberté, dignité et justice sociale" ou encore "libération des détenus politiques". Dans une déclaration à l'APS, le militant des droits de l'homme Fouad Abdelmoumni a estimé que "tout porte à croire que Ali Anouzla, un journaliste de grande envergure et de grande qualité, sera poursuivi dans le cadre de la loi anti-terroriste permettant une garde à vue de plus de 96 heures d'affilée qui peut-être reconduite". Selon lui, "cette arrestation ne pourra arrêter l'éclosion de la pleine liberté de d'expression au Maroc", estimant que "l'Etat de l'arbitraire et de non droit est en train de tirer ses dernières cartouches". Pour rappel, le parquet général avait annoncé mardi avoir ordonné l'arrestation du responsable du journal électronique Lakome pour investigation, suite à la diffusion par ce site d'une vidéo attribuée à Aqmi incitant au terrorisme au Maroc, ajoutant que "les procédures judiciaires adéquates seront appliquées à la lumière des résultats de l'investigation". De son coté, le site électronique avait souligné que "des éléments en civil de la police judiciaire de Rabat ont débarqué mardi matin à la rédaction de Lakome, à Rabat. Après avoir saisi les unités centrales des ordinateurs de la rédaction, ils ont interpellé le directeur de Lakome arabophone Ali Anouzla, sur ordre du parquet général, au motif de la diffusion d'une vidéo d'AQMI appelant à commettre des actes terroristes au Maroc". Suite à cette arrestation, le site a indiqué que "cette décision du parquet surprend à plus d'un titre". "Dans les deux cas, Lakome arabophone et francophone ont précisé dès le départ qu'il s'agit d'une vidéo de propagande et ne prennent à aucun moment partie pour les terroristes d'Aqmi", souligne le site. Il a ajouté que "le fait même de diffuser une vidéo d'Aqmi est une pratique constatée dans les médias internationaux", faisant observer qu'"il y a quelques mois, en mai 2013, le même groupe terroriste avait diffusé un message appelant les musulmans du monde entier à attaquer les intérêts français. L'information avait alors été traitée par l'ensemble des médias français". L'arrestation du journaliste marocain a suscité plusieurs réactions en dehors de Maroc. L'ONG internationale Reporters Sans Frontières (RSF) a réclamé la libération "immédiate" considérant que la diffusion de la vidéo avait un "but purement informatif". "Il est inadmissible qu'un journaliste soit poursuivi pour son travail d'information et que les ordinateurs de la rédaction de Lakome aient été saisis", a déclaré L'ONG sur son site internet. Pour sa part, L'ONG internationale des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a appelé les autorités marocaines à libérer le journaliste soulignant qu'à l'instar des journalistes du monde entier, "c'est son travail de rapporter ce qu'Al-Qaïda et ses affiliés déclarent et font". Dans un communiqué Joe Stork, responsable du département du Moyen-Orient et Afrique du Nord auprès de HRW (siège à New York), a considéré que les autorités marocaines confondent entre "rapporter" une information et "approuver" l'objet de cette information. La vidéo attribuée à Aqmi et diffusée la semaine dernière est intitulée "Maroc : le royaume de la corruption et du despotisme", selon Lakome. Cette vidéo, qui appelle au jihad et fustige la monarchie marocaine, a depuis été supprimée par Youtube pour non-respect des règles en matière de "violence". Lakome est un site indépendant qui est publié en versions arabe et française. Il fonctionne avec une équipe réduite se concentrant sur l'actualité politique marocaine. Ali Anouzla a eu beaucoup d'ennuis avec les autorités notamment par une série de procès qui lui ont été intentés en raison de ses écrits en faveur de la démocratie au Maroc. Il a créé le site d'informations indépendant Lakome arabophone en 2010, après la fermeture du quotidien Al Jarida Al Oula, dont il était le fondateur et directeur. En 2011, il est rejoint par Aboubakr Jamaï, ancien directeur du Journal Hebdomadaire, qui a créé Lakome francophone.