Tsériel ou les yeux de feux de Jaoudet Gassouma, aux éditions Alpha, est un récit féerique et fabuleux avec comme toile de fond l'Algérie avec ses tares. L'auteur à la sagacité bien ciselée est un fabuleux portraitiste ; ses mots ont des couleurs infinies. Des bons mots cinglants, une sacrée dose de mordant font de ce livre un roman poignant sur le quotidien et l'espoir. Du diamant brut, ce récit a l'éclat et le tranchant. Jaoudet dépeint une sourde révolte qui anime ses personnages à la forte densité avec au bout du chemin une espérance à bout de bras. C'est une émouvante satire sociale avec l'espoir comme panacée; on repère en filigrane les allusions à notre déplorable quotidien. Mais l'écrivain qui est aussi artiste peintre nous embarque dans son univers où, sous la surface des choses, se cachent de vénéneuses vérités. Ce roman drôle, inquiétant, rappelle une réalité amère. Dans Tsériel aux yeux de feu, Jaoudet interpelle sur ce postulat : et si nous étions les artisans de nos propres malheurs avec cette farouche volonté de s'en sortir ? Dans cet entretien, il évoque les intolérances et bouscule certaines conventions. Pourquoi ce titre enchanteur mais si étrange ? Tsériel veut dire en amazigh l'ogresse, mais je l'ai utilisé sur mon titre comme prénom de mon héroïne principale qui possède quelques pouvoirs, disons… magiques ! Mais la réalité est autre. Le titre est enchanteur, j'en conviens, puisque il est en incursion en apnée dans un monde féerique. Cette histoire est un kaléidoscope sur l'Algérie avec ses problèmes et ses préoccupations… Le mot kaléidoscope est parfaitement à sa place, car il y a plusieurs formes et plusieurs couleurs dans ce roman, c'est aussi un pamphlet, un cri terrible pour rugir face à toutes les intolérances subies dans notre société. Mais c'est aussi un immense cri joyeux, illustratif de ce que la volonté de se reconstruire induit comme sentiments malgré tout l'optimiste. Pourquoi cet humour si mordant ? N'y a-t-il pas une pointe de tristesse et de désolation? Comme dans le néo-réalisme italien, l'humour mordant est un parfait antidote contre la bêtise humaine. J'en use et abuse pour démystifier les tares humaines, et la tristesse et la désolation ne sont que des prétextes dans mon livre qui justifient le dépassement et la marche en avant. Le dénouement de ce roman prouve cet état de fait. Pourquoi tant de digressions, cela n'alourdit-il pas le récit? Contrairement à ce que vous dites, dans le fond ce ne sont pas des digressions, mais un passage entre un personnage et un autre avec des intrigues ou des incursions dans la légende. A partir du moment où l'on sait où l'on va dans l'écriture, cela ne pose pas de problèmes, puisque le roman est structuré et retombe toujours comme on dit sur ses pattes. Votre texte est poétique et expressif. Faites-vous une incursion dans ce registre ? Evidemment, je le fais consciemment, et cette question d'ailleurs me fait grand plaisir. L'expression a le vœu d'être expressive, colorée et bien sûr poétique, elle tend à donner autant de plaisir au lecteur qu'elle m'a donné de plaisir à écrire. Cette histoire, je l'ai vécue, appréciée et écrite. Si elle est expressive et poétique, alors le plaisir n'en sera que mieux apprécié pour moi. Avez-vous des projets en cours ? Oui, un recueil de nouvelles en cours d'écriture, et un prochain roman, je prends aussi le soin de préparer une exposition. Je cherche pour ce faire un sponsor pour les encadrements et un catalogue. C'est un peu difficile, mais je me débrouillerai incha Allah. Entretien réalisé par Kheira Attouche