Tsériel ou les yeux de feu de Jaoudet Gassouma, paru aux éditions Alpha, est un remarquable roman au titre enchanteur qui interpelle tout un chacun sur sa société. L'auteur à l'humour mordant raconte sans se lasser sa société, en perte de repères culturels et de référents identitaires. Il met en évidence cette déliquescence des valeurs morales et des qualités de cœur. A travers un récit captivant où le jeu des personnages ressemble à si méprendre au commun des mortels, c'est une satire sociale. A travers des diatribes souvent sarcastiques et sardoniques, il raconte à l'envi cette société et les déboires d'une vie. D'une histoire simple, banale, Jaoudet construit avec talent ce pamphlet tantôt cocasse, tantôt triste et amer. Une sorte de thriller fondu sur l'absurdité du quotidien et la bêtise des hommes. C'est le récit d'une parturiente Mina qui, suite à son baby blues, devient amnésique et ne reconnaît plus sa petite famille composée de son mari Titiss, de sa fille Tsériel et de sa mère Bniqa. Tsériel, sa fille qui grandit sans l'amour de sa mère, n'a qu'une idée en tête, l'aider à retrouver la mémoire. Peinture, romantisme et journalisme Les autres membres de cette famille sont aussi égarés l'un que l'autre. Lydia, la sœur de Mina, vit dans un lupanar entre les vapeurs éthyliques et de concomitantes amours. Son frère Tchao rêvant d'un ailleurs plus clément s'embarque dans une affaire scabreuse de drogue. Son sort est moins enviable que Lydia, puisqu'il se fait liquider par ses acolytes dealers. Cette dernière qui fait son mea culpa retourne au domicile familial. Au fil des chapitres, l'auteur qui a la casquette du pastelliste aime peindre le plus gris des couleurs de la tragédie antique. Il décrit les sentiments humains avec la même sensibilité d'un écorché vif. Avec lui, c'est toute l'ambiguïté de la nature humaine qu'il pointe d'une plume drôle, caustique et éplorée comme la figure d'un clown. Cet ouvrage est un réel requiem pour une société déliquescente. Et comme Jaoudet Gassouma est aussi un journaliste, son récit hyperinformé est fluide et passionnant de bout en bout. Drôle, poétique et très fin, ce roman est écrit avec la délicatesse et la précision d'un pinceau de calligraphie. Son écriture suinte d'une énergie et d'une vivacité d'esprit d'observateur. Il apprécie autant l'humour que la philosophie. Néanmoins, beaucoup de digressions, mais cette narration qui est un petit précis du vrai, un quolibet, une tragédie des mœurs, permettent de remettre les pendules à l'heure. On est en plein dans la tragédie humaine !Un livre emballant qui donne des fous rires mais aussi des bleus à l'âme.