A l'occasion du centenaire de la naissance de Slimane Azem, la commune d'Agouni-Gueghrane dans la daïra de Ouadhias en collaboration avec le mouvement associatif et la société civile s'apprête à honorer l'œuvre d'un grand chanteur et saluer sa trajectoire. Certains artistes sont immortels. C'est le cas de Slimane Azem qui aurait eu 100 ans en ce mois d'août 2018. Le chanteur continue d'inspirer de nombreuses personnes et à attirer de nombreux fans et un public mordu de la chanson. Ainsi, pour célébrer le centenaire de sa naissance, de nombreux présidents d'APC de Tizi Ouzou seront impliqués dans la manifestation et un riche programme a été prévu au niveau de l'ensemble des communes de la wilaya. Les activités de cette toute première célébration s'étaleront sur une année soit d'août 2018 à août 2019, mais aussi au niveau d'autres wilayas a l'instar de Bouira, de Béjaïa et d'Alger. Le centenaire sera dédié à Matoub Lounes, qui avait eu des liens particuliers avec Slimane Azem et son village. A cet effet, juste après l'ouverture du centenaire à Agouni Gueghrane le 28 août prochain, une délégation se rendra à Taourirt Moussa pour y déposer une gerbe de fleurs et s'y recueillir sur sa tombe. Une journée d'inauguration du centenaire qui sera marqué aussi par une exposition non stop, de la poésie avec des déclamations de poèmes programmés pour la circonstance, des pièces théâtrales, etc. Des conférences aussi sont programmées pour cette journée, des témoignages sur la vie de l'artiste et un gala artistique clôturera cette première journée de l'année du centenaire de l'artiste. Le petit berger aimait la musique Dda Slimane est venu au monde un 19 septembre 1918 à Agouni Gueghrane au pied du Djurdjura à quelques 35 kilomètres au sud de Tizi Ouzou. Il est le deuxième enfant d'une famille modeste et nombreuse qui n'en compte pas moins de six, son père, modeste cultivateur, est né à Agouni Gueghrane en 1981. Parti en France en 1962, son père trouvera la mort une année après. A l'âge de six ans, le petit Slimane entre à l'école primaire du village. La seule chose qui l'intéressait c'était les fables de la Fontaine. "cela répondait le mieux à mon amour des animaux que je faisais parler dans mes rêveries d'enfant", confia-t-il en 1970 à A. Hachelaf dans Jeune Afrique. " Aussi, était-il toujours volontaire pour aller garder les bêtes les jeudis et les dimanches. Au cours de ses escapades bucoliques, il constitua, avec les autres petits bergers, un groupe d'orchestre en compagnie du quel il jouait, à la flûte et aux tambours, des airs du pays sur les poèmes de Si Mohand U Mhend en 1929, il n'avait que 11 ans quand il quitte définitivement les bancs de l'école. Bien qu'encore jeune, il lui faut aller gagner sa vie à la sueur de son front. A Staouali, il se fait engager par un colon où il fut employé à toutes sortes de travaux agricoles au même titre que les autres ouvriers adultes : harassé par l'ingrat et pénible travail colonial, poussé par la misère, il décide de tenter sa chance en France. Le jeune montagnard de 19 ans arrive dès janvier 1937 dans l'Hexagone et s'établit d'abord à Longwy, dans le Nord-Est, où, pendant deux ans, il travaille comme manœuvre dans une aciérie et milite au sein du P.P.A aux côtés de ses compatriotes avant d'être mobilisé pour la seconde guerre mondiale. Après sa réforme en 1940, il monte s'installer à Paris où il vit de son nouveau travail d'aide électricien au métro. En 1942 il est arrêté et déporté par l'armée allemande en Rhenanie pour passer trois ans dans un camp de travail avant d'être libéré en 1945 par les troupes américaines. De retour à Paris, il prend en gérance un café dans le XVe arrondissement. Là, accompagné par un groupe d'orchestre amateur, qu'il a lui-même constitué, il se produisait les samedis et les dimanches dans des cafés et des soirées donnant à ses compatriotes exilés un peu d'ambiance de la Kabylie. C'est à cette époque qu'il rencontre Mohamed El Kamel qui l'oriente et l'encourage pour "sortir des sentiers battus où s'enlisait déjà la chanson algérienne. C'est à son contact que j'ai appris qu'une chanson n'est pas un simple poème, qu'il fallait d'abord trouver un sujet original et le développer ensuite dans des couplets sans se laisser mener par la rime ". Sa première chanson A Muh a muh et ses premiers enregistrements chez Pathé Marconi rencontrèrent un grand succès auprès du public. Slimane Azem quitte définitivement l'Algérie en 1959 pour ne plus y retourner. Et depuis le destin semble s'acharner à contrarier son désir insatiable de revoir sa terre natale. Il a poussé son entêtement jusqu'à lui refuser même le vœu, ô combien légitime, de reposer parmi les siens, dans cette terre qui l'a enfanté et qu'il a portée dans son cœur sa vie durant. A partir de 1963 il s'établit à Moissac où il partage sa vie entre la chanson et la vie rurale; six mois de l'année pendant lesquelles il sillonne la France en tournées renouant ainsi les contacts avec ces compatriotes, et les autres six mois passés dans sa petite ferme du midi à prendre soin de ses figuiers, oliviers et autres poiriers. En 1966, il participe avec un groupe de militants berbérophones à la création, à Paris, de l'association berbère d'échanges et recherches culturels qui sera l'ombrions de la future Académie Agraw Imazighen. Le 30 et 31 janvier 1982, il monte sur la scène de l'Olympia pour donner deux concerts d'adieu. Une année plus tard, le 28 janvier 1983, à l'âge de 65 ans, Dda Slimane s'éteint à Moissac sa ville adoptive où il est enterré dans le cimetière de La Rocade loin de cette terre qui l'a vu naître et grandir et qu'il a toujours portée dans son cœur meurtri par l'exil.