La célèbre déclaration de John Fitzgerald Kennedy en 1957, devant le Sénat américain, sur le droit du peuple algérien à l´indépendance, a «bouleversé» la politique de la France coloniale, a affirmé, hier, l´ancien responsable de la Direction de documentation et du renseignement (DDR) du ministère de l'Armement et des Liaisons générales (MALG) de l´époque. «La déclaration faite le 2 juillet 1957 par le sénateur J.F. Kennedy au Capitole (siège du Congrès, pouvoir législatif des Etats-Unis) a complètement bouleversé la politique de la France coloniale», a précisé M. Khelladi Mohamed, dans un entretien à l´APS, indiquant que cette déclaration «a fait trembler la quatrième république française dans ses fondements, ébranlant ainsi le gouvernement Félix Gaillard, et provoquant la plus grave impasse diplomatique entre Washington et Paris depuis la crise en Indochine». Cette impasse, déclenchée suite à la déclaration de J.F. Kennedy, a été un tournant en termes de soutien de taille à la révolution algérienne, a-t-il ajouté. Il y décrit, a-t-il relevé notamment, l´échec du colonialisme français en Algérie et dans les pays d'Afrique du Nord, tout en dénonçant vivement «l´utilisation par la France, des arsenaux militaires de l´OTAN, et notamment des hélicoptères américains contre les combattants dans le maquis en Algérie». Le sénateur J.F. Kennedy, qui occupait le poste de président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat en 1957, et qui sera élu, trois ans plus tard, président des Etats-Unis d´Amérique, a indiqué, dans sa déclaration, que «l´Algérie n'est plus un problème spécifiquement français, et ne le sera plus jamais, et que le moment est venu où notre gouvernement doit reconnaître que le temps est passé, où une série d'ajustements au coup par coup, ou même une dernière tentative d'intégrer l´Algérie entièrement à la France, peut réussir». «Si aucun progrès substantiel n'a été noté lors de la prochaine session de l'Assemblée générale des Nations Unies, les Etats-Unis soutiendront un effort international, pour obtenir pour l'Algérie la base de la réalisation de l'indépendance», a ajouté le sénateur démocrate. M. Khelladi a expliqué, en outre, que cette déclaration, qui a «envenimé» les relations entre Washington et Paris, «a amené, par la suite, Charles de Gaulle à quitter l'OTAN». Les relations franco-américaines chamboulées L´ancien chef du service de renseignement politico-militaire du MALG a expliqué, par ailleurs, que la déclaration de Kennedy a été provoquée par Joe Kraft, éditorialiste du New York Times, invité en 1956 par Guy Mollet (président du Conseil), à passer un mois au sein de l´armée française, et qui a été, par la suite, approché vers la fin de la même année par le MALG, pour passer un mois auprès des moudjahidine. «J´ai par hasard trouvé un journal, où a été publiée une série d´articles signés par Joe Kraft, faisant la propagande de la France coloniale. J´ai, de suite, proposé au colonel Boussouf (qui dirigeait le MALG), à prendre contact avec le journaliste américain, afin de le convaincre de vivre un mois dans le maquis, avec les combattants de la liberté», a déclaré M. Khelladi, qui embrassera, après l´indépendance de l´Algérie en 1962, une carrière diplomatique. «On m´a donc chargé d´aller en Espagne, où j´ai pu prendre contact, par téléphone, avec le journaliste américain, qui a accepté de faire un reportage avec les combattants algériens. Il a, ainsi, pu vivre un mois durant dans le maquis algérien, notamment dans les régions de Tlemcen et de Sidi Bel Abbès», a-t-il narré. Pour M. Khelladi, l´histoire racontée par Joe Kraft «a complètement chamboulé les relations franco-américaines». L´éditorialiste est reparti, ainsi, aux Etats-Unis avec, un autre reportage présentant une «facette positive» de la Révolution algérienne, donc contradictoire avec ses précédents articles, de fait impubliable par le New York Times, qui ne pouvait écrire une chose et son contraire. Le journaliste américain, qui tenait, malgré tout, à rendre public son immersion parmi le peuple algérien combattant le colonialisme français, a remis un rapport au sénateur J.F Kennedy, qui est, selon M. Khelladi, à l'origine de sa fameuse déclaration sur le droit du peuple algérien à l'indépendance. Pour rappel, Kennedy, élu président des Etats-Unis d´Amérique en 1960, a prononcé, en juillet 1962, un discours, transmis en direct via la télévision et la radio à l´occasion de l´indépendance de l´Algérie, dans lequel il a félicité le peuple algérien et ses dirigeants, pour «la création d´un nouvel Etat, obtenu après plusieurs années d´effusion de sang, de larmes et de persévérance», voyant dans cet élan «les mêmes aspirations à la dignité et à la liberté qui ont motivé les pères fondateurs de l'Amérique en 1776». Il a notamment exprimé le soutien des Etats-Unis au peuple algérien, et son voeux de voir les deux pays travailler ensemble à «défendre la liberté, la paix et le bien-être de l'humanité».