Laghouat, cette ville du Sahara, qui a enfanté le virtuose du «ôud Erray Malek», a également vu naître des poètes de renom dont Abdellah Benkerriou. Le défunt Boualem Bessaiah a, dans un ouvrage intitulé : «Abdellah Ben Kerriou», poète de Laghouat et du Sahara paru chez ‘PubliSud' raconte la vie et l'aventure de cet homme. Dans son livre, l'auteur est revenu sur les poèmes et sur l'histoire d'amour vécue par ce maître du Melhoun. Né à Laghouat en 1869, Ben Kerriou, comme son père, fut «Bach âdel» (juge suppléant) et a étudié l'astronomie chez cheïkh Bendine Aïssa, cadi et auteur de plusieurs ouvrages d'astronomie. Abdallah Ben Kerriou aurait eu un seul ami intime, le cadi Si El Mabrouk dont il était le suppléant. C'est en se promenant avec cet ami et confident qu'un jour Ben Kerriou vit une belle jeune femme fermer sa fenêtre. Il aura suffi d'un regard pour que la vie du poète change. Le poète de Laghouat n'oubliera plus cette femme à qui il dédiera, désormais, pratiquement tous ses poèmes. Le défunt Boualem Bessaiah qui le compare à Medjnoun Leïla, dit que «marié puis divorcé, rien ne compte plus désormais pour lui que cet amour». Bien que cultivé et raffiné, il n'était pas question pour la famille de la femme à la fenêtre de se lier à ce poète déjà reconnu dans toute la région. Interdiction de séjour Les parents de la jeune femme, qui avaient constaté que leur progéniture est devenue le sujet unique du poète, allèrent jusqu'à faire appel au pouvoir français pour l'extrader. Ben Kerriou fut, en effet, interdit de séjour à Laghouat et obligé d'aller vivre à El Goléa. L'auteur du livre précise que dans tous ses poèmes, Abdallah Ben Kerriou n'a jamais cité le nom ni le prénom de la femme à la fenêtre. «Ben Kerriou aura su, tout au long de son existence, taire son nom, sans défaillir, sans trébucher. Il aura fait davantage par respect pour elle que par crainte de représailles», note le défunt Boualem Bessaiah qui a réussi brillamment à traduire les vers du célèbre poète du Melhoun. Cécité Mises à part, peut-être, quelques erreurs de saisie, les poèmes ont été bien transcris en arabe, ce qui est rare pour les ouvrages de Melhoun. Avant de mourir à Laghouat en 1921, Abdallah Ben Kerriou fut frappé de cécité. C'était peut-être son souhait de ne plus voir de femme ni de fenêtre. Au sujet de la fenêtre, ne dit-on pas que l'amoureux de la fenêtre ne fait point de rencontre ? (Aâchaq ettaqa ma yetlaqa). Ce dicton populaire ne concerne-t-il pas directement notre poète ?