Quels interlocuteurs Bedoui et Lamamra cibleront-ils, lorsque l'on sait que l'opposition dans son ensemble, rejette leur démarche ? Hier, les réactions à chaud à cette annonce de «consultations» ont été unanimes à rejeter la démarche. Malgré le cinglant refus populaire infligé à la feuille de route proposée par le chef de l'Etat sortant et les visages choisis pour la mener, le Premier ministre, Noureddine Bedoui, qui est l'une de ces figures, engage des consultations pour former un gouvernement de technocrates. Un Exécutif composé de «compétences nationales avec ou sans affiliation politique», selon l'agence officielle APS. Cette dernière citant une «source bien informée», a rapporté hier que a le Premier ministre a entamé, avec le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, des consultations tendant à la formation du nouveau gouvernement, précisant que la nouvelle équipe comporterait «des compétences nationales, avec ou sans affiliation politique, et reflétant de manière significative les caractéristiques démographiques de la société algérienne». Une séance de travail a même été «tenue», alors que les consultations s'étendront aux représentants de la société civile et aux formations et personnalités politiques qui en exprimaient le souhait, en vue d'aboutir à la mise en place d'un gouvernement de large ouverture, d'après toujours la même source. Pourtant, quelle que soit la volonté du Premier ministre et de son adjoint, à former ce gouvernement que le pouvoir veut le plus large possible, force est d'admettre que la réalité non prise en compte dans toute l'histoire, est que ce plan proposé lorsque le Président Abdelaziz Bouteflika a renoncé à un cinquième mandat, prolongeant son 4e en cours, est rejeté. Pas seulement, puisque même ces figures, c'est-à-dire les personnes choisies pour mener à bien cette feuille de route, sont discréditées. Discrédit populaire ! Les manifestations populaires du 15 mars ont été une réponse catégorique au duo Bedoui-Lamamra, voire même à Lakhdar Brahimi, qui a voulu vendre à l'opinion la solution proposée par le chef de l'Etat, à travers une interview télévisée sur un média public. Rien que les slogans et les pancartes confectionnés à l'encontre de ces trois personnages, nous donnent une idée sur leur capacité à convaincre. Du côté de la classe politique, la question est aussi posée. Quels interlocuteurs Bedoui et Lamamra cibleront-ils, lorsque l'on sait que l'opposition dans son ensemble, rejette leur démarche ? Hier, les réactions à chaud à cette annonce de «consultations» ont été unanimes à rejeter la démarche. Atmane Mazouz du RCD, a dénoncé «une dernière manœuvre» du pouvoir en place. Critiquant le fait que la composante du gouvernement devrait refléter «les caractéristiques démographiques de la société algérienne», le député regrette en ironisant : «Pour eux, la solution est dans le régionalisme positif ! Malgré l'urgence d'une sortie de crise, le pouvoir, acculé, peine à trouver des interlocuteurs crédibles», a-t-il ajouté. L'opposition décline Pour sa part, le nouveau premier secrétaire national du FFS, Hakim Belahcel a, dans une déclaration à une chaîne de télévision privée, tout en réitérant son «rejet» de la conférence nationale proposée par le pouvoir, tranché que le parti «ne participera pas au gouvernement qui sera formé par ce même pouvoir». Belahcel a expliqué que «la position du FFS est celle du peuple (qui dit) non au prolongement du mandat du chef de l'Etat, et pour le départ du système». Pour le Parti des Travailleurs (PT), la solution est dans la mise en place de comités populaires, regroupant toutes les catégories de la société qui, ensuite, éliront leurs représentants lors d'assemblées générales locales, lesquelles soumettront à leur tour les revendications soulevées et délègueront des représentants pour convoquer une assemblée nationale constituante. Pour Ramdane Tazibt, qui dénonce dans la nomination de Bedoui, «un recyclage des gens du système», le seuil des revendications a désormais «augmenté». «Le peuple veut décider de son avenir de lui-même, et veut le départ du régime», a-t-il soutenu dans une vidéo. Dans le monde du travail, l'intersyndicale autonome de l'Education a déclaré hier, avoir refusé une offre de Bedoui, préférant «rester engagés et solidaires de la mobilisation populaire». C'est dire qu'hormis les partis de l'Alliance Présidentielle, FLN, RND, MPA et TAJ, ou encore ceux qui soutiennent la démarche initiée par Bouteflika, à l'image de l'ANR, voire des organisations de masse, le Premier ministre peinera sérieusement à trouver des personnes crédibles, à même de donner une légitimité à son gouvernement. Au risque d'anticiper sur la suite, la démarche semble vouée à l'échec…