L'appel à manifester pacifiquement a drainé, pour le 6e vendredi de suite, plusieurs dizaines de milliers de personnes au centre-ville de Chlef, après la prière du vendredi, dans une ambiance plutôt festive. Cet évènement à n'en point douter, semble être la plus grande manifestation de rue jamais organisée dans cette ville. Tous les jeunes, hommes et femmes avec leurs enfants, se sont regroupés par quartier pour occuper les grands boulevards. Les principales artères de la ville se sont avérées trop exiguës pour contenir la foule immense, qui déferlait depuis 14h00 sur la placette de l'Esplanade, point de départ de cette marche historique. Les manifestants ne cessaient de scander les traditionnels slogans hostiles au pouvoir en place et contre le cinquième mandat, en brandissant des drapeaux et des banderoles de toutes formes. Les manifestants ne sont toujours pas satisfaits des mesures prises jusque-là par le régime. Ni le retrait de l'élection de Abdelaziz Bouteflika, ni sa feuille de route et encore moins l'application de l'article 102 de la Constitution, relatif à la vacance du pouvoir proposée par l'armée, n'ont pu persuader les manifestants à quitter l'arène de la contestation. Les manifestants exigent le départ de tout le système sans exception. Pour un professeur de droit de l'université Hassiba Benbouali de Chlef, «le problème qui se pose actuellement, c'est la rupture de confiance entre le peuple et le gouvernement. Le peuple réclame l'application de l'article 7 de la Constitution, qui instaure la volonté du peuple. C'est le peuple qui décide de son avenir. Les manifestations ne veulent plus parler de l'article 102 car pour eux, son application n'est pas une solution pour la crise. Puisque maintenant l'article 102 assure la continuité de ce régime, je ne pense pas que le peuple va rester les bras croisés, au contraire, ils sortiront les prochains vendredis jusqu'à ce que le pouvoir cède à la pression». À l'unanimité, les citoyens désavouent Abdelkader Bensalah. «Le président du Sénat fait partie du pouvoir. Il ne nous représente pas. C'est au peuple de désigner son ou ses représentants. Nos revendications sont claires depuis le 22 février dernier. Nous refusons la gestion de la période de transition par le système en place, qui représente un véritable danger pour le peuple», crient les manifestants. Pour eux, l'appel du vice-ministre de la Défense, Gaïd Salah, pour appliquer l'article 102 de la Constitution, intervient très en retard et son application permet au système politique de gagner encore plus de temps. «Nous sommes dans la rue ce vendredi, pour exercer une pression sur le système politique, afin qu'ils partent tous ; nous ne voulons aucunement négocier avec le gouvernement actuel sur l'avenir du pays», précisent les manifestants. La marche s'est caractérisée par une organisation parfaite, encadrée par des jeunes connus sur la scène militante, et d'autres moins connus. Les forces de l'ordre se sont fait comme d'habitude discrètes, mais des renforts de camions antiémeutes ont été placés autour de certains édifices névralgiques de la ville, dont le siège de la wilaya de Chlef.