Ali Laskri a été chassé du siège national par une foule de militants et de «personnes étrangères au parti» pour des sources internes, alors que le premier secrétaire national, Hakim Belahcel, a été contraint à démissionner. Au moment où la classe politique, particulièrement l'opposition, accompagne l'impressionnant mouvement et la bataille que mènent pacifiquement les algériens dans la rue pour chasser le régime en place, le Front des forces socialistes (FFS) lui, se livre à une féroce bataille fratricide. Au sein du plus vieux parti de l'opposition en Algérie, deux clans s'entretuent depuis des mois pour le contrôle de l'appareil. Samedi, la situation a atteint son paroxysme, avec des scènes de violence physique inédites et désolantes pour l'histoire de cette formation politique. Ali Laskri a été chassé du siège national par une foule de militants et de «personnes étrangères au parti» pour des sources internes, alors que le premier secrétaire national, Hakim Belahcel, a été contraint à démissionner. Derrière ce qui semble être un véritable «putsch» se trouve l'ancien cabinet noir incarné par le député d'Alger, Karim Baloul. La session du Conseil national qui devait se tenir tranquillement, a été précédée par une guerre aux coups de poing dans la cour de la villa, sur laquelle deux posters géants de feu Hocine Aït Ahmed sont accrochés. Le fondateur du FFS, décédé en décembre 2015, devrait se retourner dans sa tombe. L'implosion de l'Instance présidentielle en deux parties, d'un côté Ali Laskri, Mohand Amokrane Cherifi et Brahim Meziani, et de l'autre Hayat Taiati et Sofiane Chioukh, depuis déjà des semaines, a fini par impliquer la base, scindée entre ceux qui soutiennent l'actuelle direction et les partisans de l'ancien cabinet noir. Certes, depuis le congrès extraordinaire du 20 avril 2018, Ali Laskri a géré le parti d'une main de fer, faisant de l'exclusion des anciennes figures de la direction sa priorité, mais rien ne pouvait justifier la violence pour un parti qui se veut démocrate. Le premier secrétaire national démissionnaire, a reconnu hier que le FFS «est malheureusement arrivé à une situation dramatique, voire chaotique ! C'est un constat amer, mais combien réel». Hakim Belahcel dit avoir pris cette décision «dénuée de toute contrainte ou de pression, afin de préserver l'unité du parti et d'éviter l'irréparable à ses militants». Deux directions Quoi qu'il en soit, premier résultat de cette guerre ouverte, le FFS vit depuis samedi soir, soit à la fin de la session du Conseil national tenue sans Laskri et ses partisans, avec deux directions. Pour parer à «la révocation des deux membres de l'IP, Mohand Amokrane Cherifi et Ali Laskri», ledit Conseil national, et après la démission du Premier secrétaire, a annoncé l'installation d'«un Comité de transition chargé d'assurer le fonctionnement du parti». Accusant Laskri et Cherifi d'avoir «pris en otage» le parti et «usurpé» la fonction de la Direction nationale, les membres réunis ont rappelé dans un communiqué final, que «toutes les initiatives de dialogue et d'appel à l'apaisement pour trouver des solutions consensuelles, et un compromis pouvant mettre fin à la crise qui secoue le parti, ont été rejetées par ces mêmes membres». «Pis encore, des exclusions expéditives et tous azimuts ont été abusivement prononcées à l'encontre des deux membres de l'IP (Hayat Taiati et Sofiane Chiouikh) et d'une vingtaine de cadres dont le P-APW de Béjaïa», s'insurgent-ils. Autodestruction ! Ali Laskri, de son côté, ne s'est pas laissé faire. Il a, dans une déclaration, dénoncé l'«attaque violente d'un groupe de baltaguias, sans aucun lien organique avec le parti» dont a fait l'objet le siège national du FFS, pour empêcher la tenue de la session extraordinaire du CN. Une session «qui visait, sur le plan politique, à renforcer le soutien du parti à la révolution citoyenne, et sur le plan organique, à adopter une feuille de route pour l'organisation du prochain congrès du parti», a-t-il noté. Le député démissionnaire de Boumerdès accuse que «derrière cette agression criminelle se cachent des forces hostiles à la position du parti en faveur du mouvement citoyen». Face à ce qu'il a qualifié de «coup de force» et d'«agissements gravissimes», le FFS a décidé, après constat des dégâts, «de porter plainte contre les auteurs des dégradations et leurs commanditaires», a annoncé Laskri. Mais la plus dramatique des conséquences, c'est que ce parti vieux de 66 ans, passe à côté de l'histoire qui s'écrit en Algérie. Alors qu'il pouvait être à l'avant-garde d'un mouvement qui a repris des revendications chères à son fondateur, Hocine Aït Ahmed, telles que l'Assemblée constituante et la IIe république, voilà que le FFS se voit réduit à une guerre interne de leadership, reléguant le vœux d'une «Algérie libre et démocratique» au second plan. Ce que le pouvoir n'a pas pu atteindre par les multiples offres faites à Aït Ahmed, les cadres et militants du FFS l'accomplissent : détruire le parti…