Aux dires des supporteurs sochaliens, les premières séances d'entraînement dirigées par Hervé Renard dans le Doubs ont été quelque peu musclées. Son jogging noir à peine étrenné, le technicien de 45 ans ne s'est pas privé de piquer au vif ses joueurs, actuellement englués à la 19e et avant-dernière place du classement de Ligue 1. L'important, c'était de marquer son territoire pour essayer d'emmener tout le monde sur le même chemin", a confié le nouveau coach du FC Sochaux à sa sortie du terrain. Prié d'accélérer la cadence lors de chaque exercice, son effectif a vite compris que l'autoritarisme faisait partie des méthodes de management d'Hervé Renard. Fraîchement débarqué de l'avion en provenance de Lusaka, celui qui a dirigé la sélection de la Zambie durant quatre ans (2008-2010 puis 2011-2013) a accepté, le 7 octobre, de prendre la succession d'Eric Hély, démissionnaire fin septembre. Vainqueur de la Coupe d'Afrique des nations 2012 à Libreville (Gabon) avec les Chipolopolos, le quadragénaire a fait ses adieux à un pays plein de reconnaissance pour son "Frenchie". "UN BOSSEUR ET QUELQU'UN D'HONNÊTE" "Il est arrivé en inconnu mais, aujourd'hui, toute l'Afrique l'apprécie et le respecte, a déclaré Kalusha Bwalya, le président de la Fédération zambienne de football. C'est un bosseur et quelqu'un d'honnête, il peut être fier de ce qu'il a accompli ici." Déchue de son titre après son élimination au 1er tour de la dernière CAN, la Zambie a été devancée par le Ghana en éliminatoires du Mondial 2014. En fin de parcours avec les Chipolopolos, Hervé Renard a laissé les rênes de la sélection à son fidèle adjoint Patrice Beaumelle. Alors que son patronyme figurait parmi une "short list" de prétendants, le natif d'Aix-les-Bains présentait un profil séduisant pour Laurent Pernet, le président du FC Sochaux, qui a pris en mai la succession du président sochalien Alexandre Lacombe. Outre ses états de service glorieux en Afrique australe, Hervé Renard affichait des prétentions salariales moindres que celles réclamées par Luis Fernandez, Alain Boghossian ou l'Uruguayen Pablo Correa, les autres candidats au poste. Dans le Doubs, le technicien a ainsi accepté une rétribution de 15 000 euros inférieure à celle qu'il touchait avec les Chipolopolos. Sa volonté d'être enfin reconnu en Ligue 1 a fini de convaincre la direction sochalienne. "COMMENCER EN L1 CONTRE RANIERI" Dimanche 20 octobre, Hervé Renard va effectuer son baptême du feu en championnat avec les Lionceaux. Pour le compte de la 10e journée de Ligue 1, le Savoyard défie l'AS Monaco, actuel leader du championnat, au stade Bonal. Des débuts périlleux pour celui qui a remporté, il y a quelques jours, son premier match dans le Doubs, en amical (2-1) contre les Suisses du FC Sion. "Commencer par Monaco, c'est un honneur, une chance. Je me rappellerai toujours avoir commencé en Ligue 1 contre Ranieri [l'entraîneur italien de l'ASM]", sourit Hervé Renard. Charmeur avec les médias, le technicien a d'emblée rappelé, lors de sa présentation officielle, qu'il n'avait jamais fait une "fixette sur l'idée d'entraîner en Ligue 1." "J'aurais allègrement pu surfer sur la vague de la victoire de la Zambie lors de la CAN 2012 et continuer d'entraîner sur le continent africain. Aujourd'hui, j'ai envie de prouver que je suis capable de réussir en Europe. Venir à Sochaux constitue pour moi un défi personnel. Et j'aime les défis", a insisté le technicien au regard d'acier. Arrivé au chevet d'une formation qui ne compte que 5 points en 9 rencontres, Hervé Renard a rapidement endossé le costume de psychothérapeute en chef. "Le club a certes l'habitude de lutter pour se maintenir – ce qui peut constituer un atout –, mais le départ difficile de l'équipe rend les choses plus délicate à gérer psychologiquement, a-t-il précisé. Mon premier objectif va donc être de redonner de la confiance à ce groupe. Pour s'en sortir, il faudra se montrer fort dans les têtes et enthousiastes. A l'heure actuelle, on a besoin de gens de caractère." IL SE LÈVE À 3 HEURES DU MATIN L'arrivée à Sochaux d'Hervé Renard s'apparente très clairement à une revanche personnelle. Le quadragénaire a mené une modeste carrière de joueur, n'affichant au compteur qu'un seul match de Ligue 1. C'était en 1987 sous le maillot de l'AS Cannes, son club formateur. Il était alors dirigé par Jean Fernandez qui, à l'instar de Guy Lacombe, lui donna le goût d'entraîner. International cadet en compagnie de Marcel Desailly ou Didier Deschamps, le Savoyard évoluait comme défenseur central. "J'étais un joueur de devoir, mais je manquais de technique et de vitesse", confessa-t-il au magazine France Football. Après deux expériences au stade de Vallauris (1991-1997), en National, puis au SC Draguignan (1997-1998), Hervé Renard remise les crampons à seulement 29 ans. Fondateur d'une entreprise de nettoyage dans la région cannoise, le néoretraité devient syndic de copropriété et se lève à 3 heures du matin cinq jours sur sept. Il retrouve finalement le club de Draguignan qu'il entraîne deux saisons et fait monter de DH en CFA. En 2001, le globe-trotteur Claude Leroy, vainqueur de la CAN 1988 avec le Cameroun et en quête d'un adjoint, le contacte pour un poste au Cosco Shanghaï. De cette escapade chinoise, Hervé Renard hérite d'une attirance prononcée pour les destinations exotiques. "LA CORPORATION DES COACHS FRANÇAIS" Après une courte escale à Nam Dinh, au Vietnam, Hervé Renard rejoint son mentor Claude Leroy à Cambridge United, pensionnaire de la 4e division anglaise. Il se retrouve au chômage après cet échec sportif et accepte en National la proposition de Cherbourg, alors en National. Deux ans plus tard, il s'envole pour le Ghana aux fins épauler une nouvelle fois Claude Leroy à la tête des Black Stars. Médaillé de bronze lors de la CAN 2008, Hervé Renard se lie ensuite avec la sélection zambienne, avec laquelle il connaît ses plus belles heures jusqu'au sacre de Libreville en 2012. Entre-temps, il s'assied furtivement sur le banc de l'Angola et de l'USM Alger. "A l'instar de Rudi Garcia à l'As Roma, Gérard Houllier à Liverpool, Montanier à la Sociedad, ou Zizou aujourd'hui au Real, Hervé Renard contribue à promouvoir la corporation des coachs français évoluant à l'étranger", estime Rolland Courbis, son successeur à l'USM Alger. Réputé distant, voire arrogant, le nouveau coach du FC Sochaux entend sauver les Lionceaux grâce à son mode de fonctionnement original. Une faculté à diriger les hommes acquise lors de ses innombrables périples. Il lui reste 29 matchs pour prouver aux observateurs que la Ligue 1 le mérite.