À moins que le régime, encore en place, compte bourrer les urnes comme il l'a toujours fait, pour valider le scrutin, les bureaux de vote seront désertés le jour J. Sans penser aux conséquences qu'une telle voie pourrait engendrer en temps de crise, le pouvoir s'entête à organiser l'élection présidentielle. Le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, en réaffirmant depuis Ouargla, son attachement à cette «solution» constitutionnelle, aura mis un trait sur toutes les initiatives politiques proposées. Mais, face au rejet populaire massif, organiser la présidentielle le 04 juillet prochain s'avère un pas à haut risque. Au lendemain du discours du général de corps d'armée, les inquiétudes, les doutes et les interrogations occupent l'opinion publique. Beaucoup s'interrogent d'abord sur cet entêtement à maintenir un rendez-vous rejeté par le premier concerné qu'est le peuple ? Les algériens qui sortent, par millions, dans la rue chaque vendredi, représentent le corps électoral. Il se trouve que ces électeurs ne veulent pas voter le 4 juillet, tant que le système n'est pas parti. À moins que le régime, encore en place, compte bourrer les urnes comme il l'a toujours fait, pour valider le scrutin, les bureaux de vote seront désertés le jour J. Pire, le risque de voir les citoyens se révolter contre l'organisation de l'élection en brûlant les urnes n'est pas écarté. Et puis, même dans le cas où il y a participation infime, va-t-on déclarer, élu, un président de la république, par un quart de la population, voire beaucoup moins ? C'est dire combien le saut vers l'inconnu est grand pour insister sur cette voie. «Rejetée par la classe politique et l'ensemble des acteurs crédibles, la présidentielle du 04 juillet prochain a, pourtant, attiré 75 postulants», selon le dernier bilan du ministère de l'Intérieur. À deux jours de la fin du délai de dépôt des candidatures, fixé au 23 mai à minuit, aucun candidat sérieux n'est à retenir, hélas. Les deux chefs de partis, Abdelaziz Belaid, président du Front El moustakbal, ayant fait sa carrière dans les rangs du FLN, et Belkacem Sahli, SG de l'ANR (Alliance nationale républicaine), hésitent. Sahli qui a conditionné sa participation par un certain nombre de préalables dont «la démission de Bedoui et du président illégitime de l'APN, Bouchareb», «la mise en place d'une commission indépendante d'organisation des élections» et «la révision de certains articles du code électoral», devra décider aujourd'hui lors d'un Conseil national du parti. Son retrait de la course est très probable. Quel président pour l'Algérie ? Quant à Belaïd, il demeure jusqu'à présent déconnecté du terrain, puisqu'il continue à «exercer dans sa clinique» sur les hauteurs d'Alger, selon des indiscrétions. Les candidats restants sont tout simplement des inconnus, sans carrière politique ni parcours militant, voire ni discours, ni programme. Même pour choisir donc, quel président va-t-on élire pour l'Algérie ? Un immense pays à la place stratégique et aux enjeux multiples sur divers plans. Le chef de l'état-major de l'ANP, le pouvoir de manière générale, va-t-il prendre le risque de doter le pays d'un chef sans charisme ni expérience ? La crainte ronge les algériens. Sur un autre plan, les conditions d'une telle échéance ne sont pas réunies et «l'installation de l'instance indépendante pour l'organisation et la supervision des élections» que veut accélérer Gaïd Salah, n'est pas près de résoudre la problématique. Car, il faut se demander qui, parmi les personnalités crédibles et honnêtes, va-t-elle accepter de prendre la charge de cette instance au moment où le peuple rejette en bloc la feuille de route du pouvoir ? Qui va désigner ses membres, lorsque l'on sait que le chef d'Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, est discrédité ? Sur le registre technique, le refus des magistrats de superviser l'élection et des maires, donc de l'administration locale, d'encadrer l'opération de vote, ne sont-ils pas des obstacles majeurs au maintien du scrutin ? Que faire devant ces défections ? Des questions qui restent, jusqu'à maintenant, sans réponses. Enfin, à moins que le chef d'état-major entretienne le flou, faisant en sorte de ne pas citer dans ses discours la date du 04 juillet, dans la perspective d'un report, la présidentielle prévue dans 45 jours est quasiment impossible à organiser.