L'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) aurait capté en un seul mois, 60 millions de communications émises ou reçues en Espagne. Plus de 3,5 millions d'écoutes auraient été enregistrées en un seul jour sur le territoire espagnol, la majorité étant élargies au Facebook, Twitter, e-mails et navigateur Internet n'ayant aucun rapport avec des activités terroristes. Ces révélations documentées sur les activités d'espionnage américain en Espagne figurent dans les filtrations d'Edward Snowden, l'agent secret américain actuellement réfugié en Russie. Le document de la NSA intitulé «Spain-last 30 days» (Espagne les derniers 30 jours) fournit des détails sur le flux des communications interceptées entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013, comme les numéros de téléphone interconnectés et la durée des appels. Le gouvernement espagnol affichait hier de plus en plus la certitude que le Premier ministre, Rajoy et son prédécesseur socialiste, José Luis Zapatero, figurent parmi les 35 leaders étrangers placés sous écoute par la NSA. Les initiatives de l'opposition de gauche se font de plus en plus pressantes pour que le gouvernement prenne conscience que ces écoutes constituent un délit sanctionné par le Code pénal. Le député communiste Gazpar Llamazares avait interpellé la semaine dernière le gouvernement sur son attitude passive à l'égard de ces actes d'espionnage. Le gouvernement Rajoy avait alors assuré avoir demandé des explications aux autorités américaines sur «cette supposée violation du droit à l'intimité et du secret des communications de millions de citoyens». «Nous avons soulevé cette question dans le cadre des excellentes relations qui unissent l'Espagne aux Etats-Unis et c'est à la suite de ses démarches, effectuées conjointement avec Bruxelles, qu'un groupe de travail euro-américain chargé de l'examen de cette affaire a été mis en place», assure-t-on des milieux gouvernementaux à Madrid. Pour l'opposition, toute la question est de savoir si le gouvernement espagnol va se contenter de la demande d'explications qu'il dit avoir à solliciter «en son temps» sur ces actes d'espionnage ou, comme il est peu probable, engager seul ou conjointement avec d'autres pays européens une procédure judiciaire contre cette agence de sécurité américaine très décriée au sein des alliés des Etats-Unis. Soumis à ces pressions, mais aussi parce que les soupçons sont devenus des certitudes ailleurs en Europe, en France et en Allemagne, le chef du gouvernement, M. Mariano Rajoy, a fini par donner des instructions pour que les Etats-Unis s'expliquent sur ces actes d'espionnage massif de l'Espagne. C'est à cette fin qu'hier matin, le secrétaire d'Etat espagnol pour l'Union européenne, M. Iñigo Mendez de Vigo, a programmé une rencontre avec l'ambassadeur des Etats-Unis à Madrid, M. James Costos, dont les collègues à Bonn et Paris ont dû, eux aussi, s'expliquer sur des faits similaires commis par la NSA en Allemagn et en France. Les soupçons espagnols ont pris de l'ampleur depuis que le journal Le Monde avait révélé que 70 millions de communications en France avaient été interceptées par la NSA. Ils ont augmenté davantage lorsque la semaine dernière le journal allemand Die Welt avait révélé, à son tour, que le téléphone portable de la chancelière Angela Merkel avait été placé sous écoute par cette agence entre 1999 et le mois de juillet dernier. Depuis, la certitude s'était faite au sein des milieux de l'opposition à Madrid que l'Espagne ne pouvait pas être une exception en Europe.