Les services secrets espagnols (CNI) et français ont «espionné massivement» hors des frontières de leurs pays, pour le compte de l'Agence nationale de sécurité (NSA). Par ces propos, le directeur de cette principale agence de renseignements américaine, Keith Alexander, a jeté mardi soir un vrai pavé dans la mare qui a déstabilisé la classe politique en Espagne, en France et en Allemagne. Madrid et Paris réclamaient avec insistance des explications aux Etats-Unis sur les «espionnages massifs» de leurs agents secrets dans leurs pays. La réponse du patron de la NSA n'était pas celle que les deux pays attendaient. S'adressant au Comité d'intelligence de la Chambre des représentants, Keith a remué le couteau dans la plaie quand il assurait que ces activités d'espionnage massif qui ont indigné les gouvernements espagnol et français, ont été réalisées par leurs propres services secrets et en dehors même de leurs pays. Les informations recueillies par Madrid et Paris ont été ensuite livrées à leur partenaire américain. «Il ne s'agit pas de renseignements concernant les citoyens européens mais d'informations que nous avons obtenues conjointement avec nos partenaires de l'Otan pour la sécurité de nos pays», a assuré le directeur de la NSA qui ajoute : «Ni les journalistes, ni la personne (Snowden) qui a commis les fuites d'une documentation classée n'ont idée des suites» de cette affaire. Toutes ces précisions mettent aujourd'hui en doute l'interprétation qui a été faite des «câbles de Snowden», l'espion américain actuellement réfugié en Russie. Le CNI a refusé de commenter les déclarations de M. Keith Alexander. Son directeur, le général Felix Sanz Roldán, s'est retranché derrière l'argument juridique pour justifier son silence. Il a affirmé devant les journalistes que «la loi ne nous permet pas de commenter les relations que nous entretenons avec les autres services de renseignements», pour se limiter à cette réponse laconique : «Nous travaillons toujours dans le cadre de la loi.» Pourtant, il sera obligé de rompre le silence puisque le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, interpellé par les députés sur ce «comportement de colonie», a fini par annoncer que le directeur du CNI se présentera devant la Commission du secret officiel du Congrès des députés. La veille, le gouvernement espagnol était offensif quand son ministre des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo, qualifiait d'«inacceptable» la surveillance des communications entre des partenaires. Margallo avait laissé entendre que cette affaire si elle venait à se confirmer «pourrait provoquer la rupture du climat de confiance» qui existe entre les deux pays. L'ambassadeur des Etats-Unis à Madrid, M. James Costos, avait été convoqué au ministère des Affaires étrangères où il avait été reçu par le secrétaire d'Etat espagnol pour l'Union européenne, M. Iñigo Mendez de Vigo. Le diplomate américain a été invité à fournir des explications sur les 60 millions d'écoutes effectuées «en territoire espagnol» par la NSA. Le gouvernement Rajoy n'écartait pas la possibilité de confier à ses services de renseignements espagnols (CNI) la mission de mener une enquête approfondie sur ces écoutes qui constituent un délit sanctionné par le Code pénal. C'était avant que le directeur de la NSA ne s'exprime sur cette affaire. Depuis, le CNI et ses collègues français sont au pied du mur.