La violence en milieu scolaire est un phénomène qui prend de l'ampleur et préoccupe au plus haut point l'ensemble de la communauté éducative. Dans l'optique de mettre en place des mesures pour faire cesser, mais surtout pour prévenir sa progression, une journée d'étude s'est déroulée hier sous la présidence du ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid. Y ont participé différents intervenants dans le système éducatif, professeurs, sociologues et inspecteurs. Durant ces ateliers, une étude particulière a été longuement débattue. L'«enquête sociologique sur la violence dans les établissements scolaires» a été dirigée par le professeur Noureddine Hakiki, directeur du laboratoire Changement social, à l'université de Bouzaréah. Une année durant, l'équipe de recherche s'est implantée dans deux lycées, dont les élèves sont issus de couches sociales opposées. Le premier est le lycée Cheikh Bouamama (ex-Descartes), et le second est le lycée Okba, situé en plein cœur de Bab El Oued. Les résultats de cette enquête, qui a pris en compte les témoignages de quelque 1200 enfants de chaque établissement, vont à contre-courant de l'idée répandue jusque-là et selon laquelle la violence est l'apanage exclusif des couches défavorisées. Car, contrairement à ce qui ressort des études menées par des sociologues étrangers dans leur pays respectifs, en Algérie, ce sont les enfants issus des couches populaires qui sont les moins sujets à cette violence. Elle est ainsi plus présente au sein du lycée Descartes, où elle s'exerce sous différentes formes, physique ou psychologique, entre élèves, ou avec le personnel éducatif. De plus, il a été noté chez ces enfants issus d'un milieu aisé de plus grandes tendances à l'autodestruction, comme le tabagisme ou la toxicomanie. De surcroît, les fraudes, la triche, l'absentéisme ainsi que l'échec scolaire, y sont plus courants, tandis que la marginalisation est le lot des enfants dits défavorisés. Les sociologues auteurs de cette étude expliquent, d'une manière peut-être trop simpliste et conservatrice, ce phénomène par la perte de valeurs et de repères que vivent actuellement ces enfants riches et dont les parents travaillent. «Ces familles se sont appropriées des valeurs dites modernes, résultant des modèles individualistes et de plus en plus égoïstes. Il y a démission des parents qui ne s'occupent plus de leurs enfants et ne les surveillent plus autant. Livrés à eux-mêmes et n'ayant personne pour leur tracer des limites, ils font dès lors ce qui leur passe par la tête et n'ont plus peur de personne», analyse le Pr Hakiki. Réussir coûte que coûte… De même, il explique la plus grande réussite scolaire des «pauvres» par le fait que ces derniers sont en général ceux sur lesquels reposent les espoirs de leurs parents. Un ouvrier, par exemple, poussera davantage son fils ou sa fille à y «parvenir», et y veillera personnellement, «car ils attendent d'eux une sorte de revanche sur la vie et ils se doivent de réussir». Selon le sociologue, une tendance inverse tend à se manifester dans les milieux favorisés, «les jeunes ayant d'autres occupations et d'autres centres d'intérêts. De plus, et paradoxalement, tout en étant indépendants de leur famille, autoritairement parlant, ils le restent financièrement, et s'appuient sur eux concernant leur avenir professionnel». Toutefois, cette enquête, dont les aspects n'ont pas été tous discutés, ne fait pas de la violence l'apanage du lycée Descartes seul, Okba connaissant aussi son lot de comportements agressifs. 75% des élèves de ce lycée dénoncent par exemple l'impolitesse ou l'arrogance des adolescents envers leurs enseignants. Ces résultats seront complétés sous peu par une étude complémentaire qui analyse deux autres lycées moins «catalogués», pour cerner ce problème en faisant fi des moyens financiers ou du métier des parents. Car le problème de fond que connaît le jeune Algérien est qu'il vit une véritable crise d'identité, induite par tous les bouleversements sociaux dans notre pays. Cette perte de repère aggrave ainsi ce qui est communément appelé «la crise d'adolescence» vécue par tous. Une fois de plus, l'enfant «reproduit les schémas» vus chez lui, à la télévision ou dans la rue où la violence est omniprésente. Point souligné par Mme Benaïziza, présidente de l'Association nationale pour la culture de la non-violence dans le milieu scolaire, qui ajoute que «la violence est vulgarisée à un point tel que les plus jeunes l'intègrent comme étant une composante normale des comportements communautaires».