«La yadjouz !» C'est probablement ainsi que le Hamas a dû s'exclamer après avoir écouté attentivement la conférence de presse de Hillary Clinton à l'issue de la rencontre des donateurs pour Ghaza, tenue à Charm El Cheikh. Une conférence qui a permis d'apprendre que la communauté internationale va aider à la reconstruction de la bande de Ghaza à hauteur de 4,5 milliards de dollars ! Un chiffre autrement plus important que celui attendu par l'Autorité palestinienne et où les USA mettent 900 millions de dollars. L'Algérie met 200 millions de dollars sur la table et l'Arabie Saoudite un milliard de dollars, n'en déplaise à tous ces esprits chagrins qui déclarent que ce sont les Arabes qui doivent d'abord aider leurs frères… Mais au-delà de ce succès mobilisateur au plan financier, tout le monde voulait savoir jusqu'où irait l'Administration américaine dans sa politique au Proche-Orient. La secrétaire d'Etat américaine n'y est pas allée par quatre chemins. Un Etat indépendant pour les Palestiniens ? Elle a rappelé qu'elle allait s'entretenir avec toutes les parties concernées en Israël, c'est-à-dire tous les partis représentatifs, mais aussi à Ramallah avec les représentants de l'Autorité palestinienne. Et ce, sur la base bien établie et reconnue (sauf par Israël !) d'une solution à deux Etats et de la coexistence pacifique d'Israël et d'un Etat palestinien. Le soir même, juste après la conférence tenue en terre pharaonique, Hillary s'est rendue en Israël... «Pour tenter, a-t-elle déclaré, de progresser vers un accord négocié pour mettre fin au conflit entre Israël et les Palestiniens, pour créer un Etat indépendant et viable à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza, et pour accorder à Israël la paix et la sécurité qu'il recherche depuis longtemps et que son peuple mérite», a-t-elle tenu à préciser lors de la conférence de presse.Or le futur chef du gouvernement israélien, Netanyahu, ne cache pas ses ambitions d'un «Grand Israël». Comment le responsable de la diplomatie américaine s'y prendra-t-il pour négocier ce virage dangereux ? David contre Goliath, le mythe du Hamas En territoire palestinien, Hillary Clinton s'entretiendra avec Mahmoud Abbas et le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad. Et des discussions avec le Hamas, en aura-t-elle ? La réponse est nette : «Il faudrait que ce dernier reconnaisse entre autres l'Etat d'Israël et qu'il se plie aux recommandations du quartette pour le Proche-Orient : USA, UE, Russie, ONU», un quartette auquel Hillary ajoute… la Ligue arabe. Evoquant, par ailleurs, les tirs de roquettes du Hamas — qui ne trompent personne — et dont les effets peuvent être comparés à des piqûres de moustiques sur un éléphant, par rapport aux «véritables frappes de Tsahal», Hillary nous surprend en évoquant le cessez-le-feu fragile entre Israël et le Hamas : «Il est très difficile pour un pays de ne rien faire et de subir des attaques à la roquette sur son propre peuple.» Soit… Mais a-t-elle écouté Faouzi Barhoum, le porte-parole du Hamas, quand il a averti la communauté internationale, à la veille de la réunion de Charm El Cheikh, qu'il serait vain de «contourner les autorités palestiniennes légitimes dans la bande de Ghaza ; ce qui serait une démarche néfaste qui compromet délibérément la reconstruction» ? On dit bien qu'il n'y a de pire sourd que celui qui ne veut entendre. Israël poursuit sa colonisation en territoires occupés Un «la yadjouz» donc et bis repetita ?… Que faire alors ? Cela semble se compliquer de plus en plus mais… la secrétaire d'Etat annonce qu'elle est convaincue de sa mission, car «elle aime les enfants» et que «c'est pour les enfants qu'elle s'est engagée en politique». Hillary fait ensuite ce lien inévitable : «En ayant à cœur les intérêts des enfants et en protégeant leurs droits, on en arrive logiquement au respect des droits des parents et de leur avenir…» Ouais ! Passons… Les journalistes n'ont pas posé les questions que j'aurai aimé entendre. Comme par exemple pourquoi les agressions israéliennes ne sont jamais condamnées, ou lorsqu'elles le sont, seulement du bout des lèvres. Pourquoi aussi le ministère de l'Habitat du «gouvernement sortant» israélien et, ce n'est même pas un secret de polichinelle, a préparé des plans de colonisation intensive qui visent à doubler le nombre de colons en Cisjordanie occupée, jusqu'à atteindre les 280 000 colons ! N'est pas vassal de l'Oncle Sam qui veut Pas de questions non plus en ce qui concerne les centaines d'ogives nucléaires qui dorment dans les abris anti-atomiques israéliens, à seulement un jet de fronde des pays arabes. Alors que l'Iran est pointé du doigt et harcelé à travers l'AIEA et Mohamed El Baradei, pour cause d'uranium enrichi ! Pourtant, Téhéran «la terroriste islamiste» a signé le Traité de non-prolifération d'armes nucléaires, au contraire d'Israël avec sa pseudo-démocratie. A l'évidence, les bonnes questions ne furent pas posées à Charm El Cheikh. En tout cas pas celles que le lecteur lambda aurait aimé entendre.En attendant, que va-t-il se passer ? Certes, on a déjà envoyé l'influent sénateur John Kerry, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, à Ghaza et en Israël et les affinités et les origines de ce dernier vont peut-être l'aider à trouver des solutions. Mais sachant qu'Israël reste le vassal incontesté de l'Oncle Sam au Proche-Orient, même notre ami Obama sera tenté de le laisser encore lui lécher la main… N'oublions pas qu'il a fallu du temps pour que les Obama choisissent un nouveau chien pour la Maison-Blanche ; une tradition à laquelle tous les locataires du bureau ovale doivent se plier. Est-ce une coïncidence ? Gardons aussi à l'esprit le fait qu'avec la crise financière et économique, le complexe militaro-industriel a besoin de ressources et d'argent frais. Or la bande de Ghaza n'a besoin que de matériaux de construction, produits que ne vend pas le CMI… A Jérusalem, Hillary Clinton — est-ce devenu un passage obligé ? — se rendra au mémorial Yad Vashem consacré aux victimes de l'holocauste. Après le Proche-Orient, elle devrait se rendre à Bruxelles pour y rencontrer ses pairs de l'Otan. Elle est aussi attendue, nous dit-on, à Genève pour rencontrer Sergueï Lavrov, son homologue russe… Après un tel périple, Obama devra prendre le temps d'écouter tout ce que son ancienne rivale pour la Maison-Blanche aura à dire. Maisentre le Proche-Orient, le Moyen-Orient, l'Asie, la Russie, l'Iran, le Pakistan, la Chine et la Corée du Nord, pour ne citer que ces casse-tête du jour, quelle sera la place des petits enfants palestiniens ? Espérons que Maman Hillary se rappellera que si elle est entrée en politique, c'est parce qu'elle aime les enfants. C'est du moins ce qu'elle affirme ! Oui, mais quels enfants ?