Le premier ministre français, M. Jean-Marc Ayrault à Alger. Il faudrait un sacré exercice de contorsionniste pour trouver un lieu, mais sa visite a tout de même coïncidé avec celle de Diego Maradona, la légende argentine du football mondial. Une brochette de ministres, des dizaines de chefs d'entreprises, un tête-à-tête avec le président de la république, un autre avec le premier ministre puis un dernier avec le président de l'Assemblée nationale, une visite à l'Ouest, un recueillement à Maqam Echahid, une conférence de presse «conjointe» et une émission «partagée» entre Canal Algérie et France 24… plus tard, Jean-Marc Ayrault repartira sans doute comme il est venu. Sans illusions, ni pour lui ni pour ses compatriotes qui ont un quelconque intérêt pour cette visite, ni pour les Algériens qui pouvaient en attendre quelque chose. Il n'y aura donc ni projet structurant ni perspective concrète de développement à envisager ensemble. Mais seulement - faut-il dire comme d'habitude ? - quelques broutilles élevées au rang d'indice d'excellence dans les relations bilatérales par la magie du bon protocole et de la courtoisie ordinaire. Pour l'essentiel, cette visite aura encore été dominée par les déclarations de bonne intention et quelques vagues idées de coopération durable restée au stade de la velléité. M. Jean Marc Ayrault aura beau essayer de convaincre que les autorités de son pays ne regardent plus l'Algérie comme un marché, on n'aura pas retenu beaucoup d'indices qui le prouvent. Et M. Sellal aura beau jouer au visionnaire en déclarant que le plus important était dans l'économie entre les deux pays parce que «c'est ce qui va rester pour nos enfants», les projets concrets sont trop maigres en la matière pour y croire. Un partenariat d'exception, ça ne s'invente pas. Tout comme on n'invente pas un discours et une morale de conduite à Maradona. La star intenable à la vie et au parcours sportif particulièrement mouvementés était à Alger dans le cadre d'une visite de promotion pour l'opérateur public de téléphonie mobile. On a beau jaser sur son chèque mirobolant et la rentabilité de son image du fait qu'il n'est plus ce qu'il était depuis qu'il ne foule plus les pelouses ou depuis que ses addictions à l'alcool et à la drogue sont connues de tous, Maradona reste Maradona. On peut même voir dans sa visite une révolution dans l'entreprise publique désormais acquise aux normes modernes de gestion, engagée dans la concurrence pour la conquête de parts de marché. On aurait pu en rester là. Mobilis a eu son image d'«El pibe de oro», lui a encaissé son chèque et tout le monde est content. Sauf que quelques journalistes particulièrement inspirés ont cru lui «arracher» un… discours ! Contorsion toujours, il s'agissait de prolonger les vagues engagements politiques du footballeur dans le passé révolutionnaire de l'Algérie. Pas très en verve, il a donné ce qu'il pouvait donner quand il n'est pas payé. D'autres, le ministre des sports et le président du Comité Olympique Algérien (COA) en tête, ont cru être encore plus perspicaces en partageant sa table. Maradona étant toujours Maradona, il a été, entre un verre d'eau et une sollicitation, chercher la bouche de sa compagne pour un bisou qui a envoyé les regards de tous ses voisins de table scruter le plafond ou admirer leur paire de chaussures. Il n'était pas payé non plus pour ça. Mais ça, il l'avait décidé tout seul. Une magique tête plongeante qui a fait le bonheur des internautes. Internet, vous connaissez ? C'est là où on ne détourne pas le regard d'un bisou. [email protected]