Tout le monde, notamment parmi ses amis de combat encore en vie, garde tristement le souvenir de l'horrible nuit du 3 au 4 mars 1957. Cette nuit-là, l'un des symboles de la glorieuse Révolution de Novembre, Larbi Ben M'hidi, était exécuté sans être jugé, moins de dix jours seulement après son arrestation par des parachutistes. Ses bourreaux, certainement sous le coup de l'obstination du fils des Aurès à refuser de laisser délier sa langue, en dépit de la terrible torture qu'il subissait sous l'œil vigilant du tristement célèbre Aussaresses, ont décidé d'en finir avec lui. Et les ultimes propos de Ben M'hidi resteront à jamais en travers de la gorge de ses exécutants passés dans la poubelle de l'histoire que le lion des djebels a rejointe par la grande porte. «Vous parlez de la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis l'Algérie de Tamanrasset à Dunkerque», lâcha-t-il dans ce qui fut ses ultimes paroles qui lui survivront éternellement. Au point où le porte-parole du gouvernement général de l'époque s'est cru obligé de déclarer, le surlendemain devant les médias, que «Ben M'hidi s'est suicidé dans sa cellule en se pendant à l'aide de lambeaux de sa chemise». Une pure affabulation puisqu'en 2001, dans une confession au journal Le Monde, le général Aussaresses reconnaîtra avoir assassiné Larbi Ben M'hidi ainsi que l'avocat Ali Boumendjel dans la nuit du 3 au 4 mars 1957. Le 5 mars 2007, il relatera les dernières heures de Larbi Ben M'hidi dans un entretien au même journal. Et ce natif de Aïn Mlila ne sera pas à une similaire sentence près. N'a-t-il pas lancé, péremptoire, à certains de ses amis de combat, un peu craintifs quant à la prise de la révolution sur les populations : «Jetez la révolution dans la rue et elle sera prise en charge par le peuple.» Une réflexion spontanée qui se vérifiera bien plus tard avec l'adoption par les populations de la mémorable résistance armée ayant fini au bout par triompher. Elle aura aussi à bombarder Bigeard et comparses par une réplique sanglante : «Vous êtes le passé, nous sommes l'avenir». Autant de répliques et certainement bien d'autres qui reflètent, on ne peut mieux, le caractère légendaire du personnage, à la fois savant et universitaire doublé d'un sens aigu de la politique et de l'aspect militaire. Ce qui fait que l'autorité coloniale était totalement déroutée d'où, d'ailleurs, selon bien des témoignages et avis, la rapidité de son exécution tout ce qu'il y a de sommaire puisque frappée du sceau extrajudiciaire. Son suprême sacrifice, comme celui de bien de ses compagnons de combat, même 52 ans après, doit inspirer notre jeunesse qui doit plus que jamais en faire un symbole. Détenteur d'un certificat d'études dans une école primaire française, ce fils d'une famille rurale entreprit des études secondaires à Biskra. Ville où il exercera comme comptable au service du génie civil avant d'atterrir à Constantine où il eut de la sympathie pour l'association des oulémas. Ben M'hidi adhérera par la suite au mouvement des Amis du manifeste et de la liberté (AML) de Ferhat Abbas. Les massacres du 8 mai 1945 le marqueront intensément au point d'adhérer au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et à l'Organisation spéciale (OS) à laquelle participèrent également Ben Bella, Aït Ahmed et Mohamed Boudiaf. Vainement recherché par l'autorité coloniale, il est condamné par défaut à dix ans de prison pour «menée subversive et activité illégale». Quatre ans plus tard, il participera en compagnie de huit de ses camarades de combat à la création du Crua qui se muera le 10 octobre 1954 en FLN. Ensemble, ils décidèrent de la date du déclenchement de la lutte armée pour l'indépendance. Si Larbi se chargera de la direction de la Wilaya V (Oranie) dont il cédera le commandement à son lieutenant Abdelhafid Boussouf, pour devenir membre du Conseil national de la Révolution algérienne. Il était connu pour épouser les idées de Abane Ramdane et Krim Belkacem. Il participa à l'organisation des premiers attentats de la bataille d'Alger. Il sera arrêté le 23 février 1957 par les parachutistes, pour être presque aussitôt exécuté.