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Au rythme du qalam et de la nouba
Kacimi El Hassani Yacine
Publié dans Le Temps d'Algérie le 08 - 03 - 2009

Ici les œuvres s'enchaînent, envoûtantes. Elles vous prennent par la main, délicatement, puis ce sont vos yeux qui ne les lâchent plus.
Décrypter les motifs, contempler les strates qui se superposent, les lignes qui s'interposent, c'est l'œuvre de Kacimi El Hassani Yacine. Il utilise différentes encres et un roseau (qalam) dans ses diverses calligraphies de style maghrébins et koufi.
La particularité des œuvres de cet artiste est surtout l'utilisation du blanc ou le vide qui est, a-t-il dit, «partie prenante de ses œuvres». Le blanc ou le vide utilisé par Kacimi El Hassani est dû au fait que cet artiste est d'abord un musicien avant d'être un calligraphe. Etabli en France, il fait partie d'une troupe musicale arabo-andalouse, El Baycine, créée en 1990. «Dans la musique il y a des blancs, un vide puis des reprises. J'utilise cette technique dans mes œuvres», a-t-il expliqué, précisant aussi que sa source d'inspiration reste la littérature et la poésie.
L'œuvre reflétant les sensibilités de l'artiste est sans conteste celle représentant la ville de Beyrouth où il y a une forte résonance des poèmes de Mahmoud Derwich. «Je suis amateur de musique et poésie, et cela ressort dans mes œuvres où il y a une correspondance entre mes sensibilités de musicien et de plasticien», a-t-il encore ajouté.Toujours au comble du raffinement plastique, il traque ses obsessions : la frénésie avec laquelle il recompose les matières contrastées avec les postures altières. Sur le fil, il balance entre la pureté de la forme et le fond baroque, presque décoratif.
Les teintes se nuancent
A moins que ce ne soit l'inverse. Yacine avance «masqué», se joue des apparences trempe-l'œil en relief ou creux. Impossible à saisir avec certitude. C'est le doute qui s'installe. Ici, la surface se lézarde, une larve chromatique fait éruption : des ocres, des bleus, des violacés tandis que le gris revisite de ses variations ce qu'on appelle le noir et blanc. Jamais uniformes, les teintes se nuancent à mesure des couches et des effets de peintures et d'encres. La technique est mixte…Le rendu velours. Quelques tête-à-tête plus loin, on se retrouve face à des figures plus hiératiques, presque des icônes, mythiques.
Des lettres arabes s'offrent surtout au regard, prétendant ne rien dévoiler de leur «corps», de leurs jardins secrets. Vêtus de leurs oripeaux d'âmes perdues, les silhouettes de Yacine fuient ce monde qu'elles croient hostile pour s'évanouir dans un ailleurs intemporel. Le monde d'El Moutanabi ou de Louis Aragon, Les yeux d'Elsa au rythme du qalam et de la mélodie andalouse, de la nouba que Yacine a su marier, l'art pictural et l'art lyrique.
Quelques secrets
Ces silhouettes peuplent l'univers poétique de l'artiste de leurs présence/absence : souvent privées de visages, elles s'expriment de tout leur être, de tout leur paraître pictural et nous invitent à entrer dans leur transe émotionnelle… mystique. Armé de son roseau et d'une composition d'encres dont il a le secret, Yacine Kacimi El Hassani donne forme et naissance à une calligraphie contemporaine à la déclinaison de couleur grise, noire, ocre et dorée. En face des lettres couchées à l'horizontale et à la verticale qui laissent le néophyte et l'expert émerveillés. Yacine nous offre une belle palette de son œuvre, riche de 52 calligraphies.
Elles sont destinées à faire connaître son travail. Cet artiste maîtrise avec brio trois mouvements de styles: koufi (région de Koufa, Irak), maghrébin et diwanni (ottoman). Des noms qui ne vous évoquent peut-être rien, mais qui révèlent les origines géographiques et historiques de cet art de l'écriture. Si la calligraphie est l'art de la belle écriture, elle s'apparente au dessin et à la peinture. Elle a la prétention d'embellir le texte de l'artiste et
permet aux lecteurs d'en avoir plusieurs interprétations. Des formes et des couleurs se sont les maîtres mots de son œuvre. Ces tableaux portent les titres Al Burda, Rêve de lettres, Alif Lam Mim, Ivresse divine, Al Hallaj… Comme toute œuvre artistique, il est difficile pour l'amateur de connaître le sentiment de l'artiste face à sa création. On découvre ainsi des calligraphies minimalistes et épurées, mais aussi d'autres empreintes de sophistications à vous émerveiller. Les lettres se choquent, s'entrecroisent et s'interpénètrent pour devenir un véritable dédale, une incompréhension indéfinissable, mais néanmoins sublimée par la plume et l'encre.
Les couleurs sont à la fois froides comme le gris qui côtoie le noir, mais aussi chatoyantes et vives, qu'elles captent le regard.


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