Les autorités turques ont expulsé vendredi un journaliste azéri travaillant pour le quotidien Zaman, proche de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, accusé d'avoir critiqué le gouvernement sur Twitter, a rapporté son employeur. L'expulsion de Mahir Zeylanov intervient alors que le Parlement turc a adopté mercredi soir une série d'amendements renforçant le contrôle de l'Etat sur internet qualifiés de liberticides par de nombreuses ONG, l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis. Selon Zaman, M. Zeylanov a été placé sur une liste de citoyens étrangers jugés indésirables par Ankara pour avoir diffusé des tweets visant de hauts responsables de l'Etat, en vertu d'une loi qui autorise l'expulsion de ceux dont le séjour en Turquie est préjudiciable à la sécurité publique et aux exigences politiques et administratives. L'Organisation pour la paix et la sécurité en Europe (OSCE) a immédiatement demandé l'annulation de cette mesure qualifiée de disproportionnée. La liberté d'expression ne doit pas se limiter aux seules déclarations considérées comme appropriées par les autorités, a jugé la représentante de l'OSCE pour la liberté des médias, Dunja Mijatovic, limiter cette liberté va encore renforcer la mainmise sur les médias en Turquie. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a lui-même engagé une procédure judiciaire contre le journaliste de Zaman, estimant que ses tweets constituaient des insultes incitant à la haine et à la malveillance. Dans ses messages, Mahir Zeylanov évoquait notamment le refus de la police d'exécuter un mandat d'arrêt visant des dizaines de personnalités soupçonnées de corruption, parmi lesquelles un homme d'affaires saoudien inscrit par les Etats-Unis sur leur liste des personnalités considérées comme liées aux réseaux terroristes. Les procureurs turcs ordonnent à la police d'arrêter des proches d'al-Qaïda, les chefs de la police nommés par Erdogan refusent d'obtempérer, a écrit le journaliste dans un des tweets incriminés. M. Erdogan et son gouvernement sont éclaboussés depuis la mi-décembre par un scandale de corruption sans précédent dont il attribue la paternité à ses ex-alliés de la confrérie Gülen, très influents dans la police et la justice. En réaction, le Premier ministre a procédé à des purges massives dans ces deux institutions. Selon le décompte de la presse turque, quelque 6.000 fonctionnaires de police et plusieurs centaines de juges et procureurs ont été révoqués ou mutés. Depuis la mi-décembre, le quotidien Zaman est devenu l'un des fers de lance de la contestation contre le pouvoir islamo-conservateur. La Turquie de M. Erdogan est considérée par les ONG comme l'un des pays les plus répressifs en matière de liberté de la presse. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) l'a même classé au premier rang mondial pour le nombre de journalistes emprisonnés, devant la Chine et l'Iran. Des dizaines de journalistes turcs ont été licenciés par leurs employeurs en 2013 dans la foulée de la fronde antigouvernementale qui a agité le pays en juin.