Il y a 56 ans, le 8 février 1958, l'armée coloniale française, en bombardant un petit village tunisien tout près de la frontière algérienne, a "lamentablement échoué dans son double objectif d'affaiblir la Révolution et d'anéantir les relations fraternelles entre Tunisiens et Algériens", estime Bessam Laâmamria, étudiant algérien résidant à Souk Ahras. Ce massacre "innommable" a eu, en fait, l'effet inverse puisque les combattants algériens luttant pour la liberté de leur pays ont été "renforcés dans leur détermination", tandis que les liens entre les peuples des deux pays frères ont été "davantage cimentés et le soutien tunisien à la Révolution algérienne "consolidé", considère le jeune homme dont le grand-père, alors âgé de 30 ans, avait été tué par un éclat d'obus au centre de Sakiet Sidi Youcef. Toujours à la recherche du moindre petit document, de la moindre petite information sur la tuerie sauvagement perpétrée il y a 56 ans dans ce paisible village, Bessam interroge "depuis trois ans" tous les témoins qu'il parvient à contacter et rêve d'écrire, un jour, un livre sur ce massacre. Il rappelle, citant quelques uns des témoignages qu'il a pu glaner, à Sakiet Sidi Youcef en Tunisie, mais aussi dans son pays, dans les communes frontalières de Heddada, de Sidi-Fradj ou de Lekhdara, que cette localité tunisienne servait surtout de base de repli où les djounoud blessés lors des combats étaient soignés. Il rappelle aussi, citant cette fois des "sources historiques fiables", que l'assaut mené "avec barbarie" et "sans aucun discernement" par l'aviation française se voulait "une action de représailles à la suite de la perte par l'armée d'occupation de 16 soldats et de l'emprisonnement de quatre autres lors de la bataille d'El Ouasta, près de Heddada, le 11 janvier 1958". Le 8 février 1958 a coïncidé, ajoute Bessam, avec la présence à Sakiet Sidi Youcef de nombreux réfugiés algériens qui étaient là pour recevoir une aide humanitaire du Croissant-Rouge Tunisien et de la Croix-Rouge. Pour sa part, Abdelhamid Aouadi, président de l'association Ma'athir Ethaoura, souligne que l'état-major de la base de l'Est avait, en cette année 1958, donné une "vraie leçon" aux français en traitant avec humanité les quatre soldats français faits prisonniers, alors que les tortionnaires français avaient brisé les côtes de la combattante Djamila Bouhired avant de brûler son corps. Le bilan des bombardements de Sakiet Sidi Youcef fut lourd, très lourd, car mené au matin d'un jour de marché. Cent (100) civils y avaient péri dont 20 écoliers et 31 femmes, et 130 autres avaient été blessés. Une école primaire, des bâtiments administratifs, des équipements et des véhicules de la Croix-Rouge, des dizaines de commerces et plus de 100 habitations ont été ravagés au cours de ce pilonnage, soutient M. Aouadi, rappelant que cet acte barbare avait été "fermement condamné, même par les Etats-Unis d'Amérique et la Grande-Bretagne", alliés historiques de la France. "Comme si les massacres du 8 mai 1945, qui virent 45.000 Algériens tomber à Sétif, à Guelma, à Kherrata et ailleurs ne l'avaient pas rassasiée, l'armée coloniale voulut voir encore du sang de ‘‘bicots'' en ce 8 février 1958, elle en fit encore couler et continuera encore de le faire, mais tout ce sang n'a fait que fertiliser une terre de liberté (à) et les chaînes de l'asservissement se rompront moins de quatre années plus tard", conclut ce Moudjahid.