Il est une pratique chez les Sahraouis qui mérite d'être rapportée. Après la conclusion du mariage et juste avant de rencontrer son futur époux pour la nuit de noces, la mariée sahraouie, avec la complicité de ses parents et amies, doit «disparaître» de son foyer et se cacher quelque part. Commence alors la quête du jeune époux de sa dulcinée. Des heures durant, il fera du porte-à-porte chez le voisinage, fouillera les maisons les unes après les autres et passera en revue chaque cachette, chaque recoin de chambre qui puisse abriter sa promise. L'épreuve n'est pas de tout repos, et si elle est obligatoire pour chaque nouveau marié, elle n'incommode pas du tout les Sahraouis. Sa signification est évidente dans une société nomade à l'origine, où les séparations entre les êtres qui s'aiment peuvent être longues et se répéter plusieurs fois par an. Chez les Sahraouis, le mariage est une institution sérieuse ; plus qu'un besoin, c'est une obligation que doit respecter tout homme en âge de fonder un foyer. Et c'est pour cette raison, entre autres, qu'il est célébré dans la gaieté, l'entente et la joie des retrouvailles. Quel que soit le lieu de résidence et quelles que soient les circonstances. Lalahoum, c'est le nom de la mariée nous dit Hedi, sa cousine germaine. Sidina Abdelahi est son futur mari. Abdelahi est fils de chahid. Son père est tombé au champ d'honneur en 1985, soit un mois avant sa naissance. Deux jours avant le jour du mariage, les cousins et les voisins de Lalahoum ont travaillé dur pour monter la tente qui fera office de salle des fêtes et où les nombreux invités prendront place. L'invite à la danse La tente est érigée au milieu du quartier 3 de la daïra de Boudjedour ; elle peut accueillir une centaine de personnes. L'intérieur est décoré de tapis flambant neufs. «Made in chez nous», lance Hama Ould El Mokhtar, un notable et fonctionnaire à la wilaya de Dakhla. On a même installé une sonorisation hi-tech et on a commencé à diffuser des CD de chanteuses bien connues chez les Sahraouis. Cinq tables basses en plastique sont dressées au milieu de la tente, elles sont garnies de gâteaux et de boissons. «Ici, tout doit être mis en place car le jour du mariage, on n'accueille que les invités», nous explique Leftam, la sœur cadette de la mariée. Le jour du «d'khoul», c'est-à-dire la journée qui précède la nuit de noces, les invités commencent à arriver avec des cadeaux. Il est, par ailleurs, interdit de lancer des youyous avant que le cadi ne prononce officiellement l'union entre les deux époux par la lecture de la Fatiha. La tente est divisée en deux parties distinctes, l'une est aménagée avec soin pour accueillir la famille et les notables locaux, la seconde les autres invités. Chez les Sahraouis, les jeunes garçons et jeunes filles ne sont pas invités : ils doivent venir assister de manière automatique, car c'est l'occasion idéale pour la naissance de nouveaux couples. A 15 h, la tente est pleine. Nous avons pris place aux côtés de la famille de la mariée. Des femmes derrière des tables préparaient du thé, une boisson incontournable chez les gens du désert. La musique égayait les lieux et la piste de danse est ouverte. Eu égard à la largesse d'esprit des Sahraouis, nous avons même été conviés à danser en compagnie de leurs filles. C'est dire que ce qu'on nous raconte sur les sahraouis est archifaux. Le conservatisme des Sahraouis se limite, en définitive, aux traditions vestimentaires, culinaires et autres aspects culturels de cette société. Il est 16h30. Une file de voitures est aperçue à l'horizon, c'est le cortège. Sidina Abdelahi vient d'Aousserd, une autre wilaya du Sahara occidental, distante de 200 km de Dakhla. Pas cher le mariage au Sahara Abdelahi et sa famille ainsi que ses amis les plus proches arrivent devant la tente. Dans leurs bagages, la dot de la mariée constituée de deux matelas, un service à thé, une robe, une melahfa (tenue traditionnelle sahraouie) et des vêtements d'intérieur. Côté cosmétiques, une eau de Cologne, un parfum et une crème spéciale utilisée par les femmes sahraouie pour s'éclaircir la peau, le temps d'une occasion, et, enfin, un anneau d'argent. Pas cher le mariage sahraoui ! «Pour nous, le plus important est le bonheur du couple et la bénédiction de Dieu», nous répond Hama. Sidina Abdelahi descend de sa voiture vêtu d'une «deraâ» blanche brodée avec du fil d'or. Il salue d'un geste fraternel la foule venue l'accueillir. Sidina et ses amis prennent ensuite place à l'intérieur de la tente des fêtes. La sœur de la mariée sert du lait caillé, un symbole de pureté et des dattes mielleuses pour que la nouvelle vie soit sucrée et pure. Nous demandons à Hama de nous emmener voir la mariée. «A une condition», nous dit-il. «Je vous y conduis mais à condition de ne pas révéler le lieu où elle se cache !» Hama nous guide, dans la discrétion, vers la tente où se cache Lalahoum. La tente appartient à l'une de ses cousines que Sidina ne connaît pas. Une fois sur place, Lalahoum nous salue en nous souhaitant la bienvenue. Elle est entourée de ses amies. L'air timide, tête baissée, Lalahoum était vêtue d'une robe de mariée locale. Les yeux pétillants, elle parle enfin : «C'est mon plus beau jour.» Pas un mot de plus. Nous quittons la cachette de la mariée pour rejoindre la tente des fêtes où nous avons trouvé le cadi et le père de la mariée ainsi que le tuteur de Sidina. C'est le cadi qui unit les époux en récitant la Fatiha. Le rituel terminé, Sidina commence son périple, suivi d'une chorale et de dizaines d'enfants. Au bout de la troisième maison, l'heureux époux «met» la main sur Lalahoum. Les youyous fusent alors de toutes parts. «C'est un bon signe, j'ai de la chance, notre mariage va durer longtemps», nous confie Sidina tout heureux. Nous quittons la tente non sans taquiner notre hôte en lui souhaitant d'être heureux et, surtout, d'avoir beaucoup, beaucoup d'enfants.