Ian Frazer (université du Queensland) est un chercheur reconnu pour ses travaux sur les papillomavirus humains (HPV), qui ont contribué à la mise au point des vaccins anticancéreux du col utérin. Il a même été élu homme de l'année en Australie en 2006. C'est également en ciblant des HPV, mais d'autres types que ceux impliqués dans les tumeurs gynécologiques, qu'il a conçu son vaccin anticancer de la peau, a rapporté Le Figaro. Ce vaccin vise à prévenir les carcinomes épidermoïdes cutanés, des tumeurs moins redoutables que les mélanomes, mais très fréquentes. Selon le professeur Frazer, les résultats sont probants chez l'animal, et un premier essai clinique chez l'homme devrait démarrer dès l'an prochain. Le rôle de la protection solaire En Australie, la perspective d'une prévention vaccinale des cancers cutanés fait déjà rêver. Du fait de ses conditions d'ensoleillement et de la peau claire de ses habitants, le pays détient, en effet, le record mondial de tumeurs de la peau. Au total, 380 000 cas sont enregistrés chaque année parmi les 20 millions d'Australiens, dont 1600 mortels. Parmi eux, plus de 137 000 sont des carcinomes épidermoïdes, responsables de 400 décès. Le vaccin ne dispensera pas des mesures de protection solaire, prévient toutefois Ian Frazer. «Je ne sais pas quelle proportion de carcinomes est due à des HPV, avoue Ian Frazer interrogé par le Daily Telegraph. Dans les jours les plus pessimistes, je dirais 1% ; d'autres jours, je pense que c'est peut-être tous.» «Le rôle oncogène de certains HPV est clairement établi dans les cancers cutanés associés à une maladie rare, l'épidermodysplasie verruciforme ; mais en ce qui concerne la population générale, les arguments scientifiques ne sont pas très convaincants», tempère le professeur Gérard Orth (Institut Pasteur), spécialiste international des papillomavirus. «Des HPV de type bêta sont effectivement souvent présents dans les lésions cutanées précancéreuses et les carcinomes épidermoïdes, chez les individus sans déficit immunologique et encore plus fréquemment chez des patients qui ont été greffés. Mais ces mêmes virus peuvent également être détectés sur la peau saine.» En outre, la situation est nettement plus complexe que pour les cancers du col de l'utérus, dus à 70% à un HPV alpha de type 16 ou 18. «Il n'existe pas de virus bêta HPV spécifiques de la peau, mais plusieurs dizaines de types viraux bêta avec des effets biologiques différents», a expliqué le professeur François Aubin, dermatologue à Besançon, qui se demande même si ces virus n'ont pas au contraire un effet protecteur vis-à-vis des cancers cutanés.