Le cancer du col de l'utérus atteint 3 000 femmes chaque année en Algérie. Uniquement 4% de la population féminine consultent pour un dépistage. L'introduction du vaccin contre le HPV réduirait considérablement l'incidence du mal et sauverait des milliers de vies. Si la facture peut paraître élevée (45 000 DA par personne vaccinée), il diminuerait le coût de la prise en charge médicale des cancéreuses, estimé actuellement à 2,5 millions de DA par an et par personne. Le cancer du col de l'utérus est particulièrement meurtrier. Il représente la deuxième cause de mortalité féminine en Algérie après le cancer du sein. Selon le professeur Doudja Hamouda, épidémiologiste à l'Institut national de santé publique, intervenant au 16e congrès de la Société algérienne de la fertilité et contraception, tenu le week-end dernier à l'hôtel Sheraton, “il est le second cancer féminin dans le monde. 500 000 nouveaux cas sont enregistrés annuellement au niveau international, dont 90% dans les pays en voie de développement. Le cancer du col de l'utérus se situe entre la 7e et 9e position en Europe, alors qu'il est entre la 1re et 2e position dans les pays en développement”. Son incidence dans notre pays est de 13 cas pour 100 000 habitants, ce qui représente 3 000 nouveaux cas chaque année. “Le cancer du col de l'utérus est très difficile à soigner, au point où 50% des femmes, qui en sont atteintes, décèdent dans les cinq années qui suivent le traitement”, explique le professeur M'hamed Bouzekrini, chef de service de gynécologie au CHU Parnet. Il a précisé que la maladie, en ses débuts, est silencieuse, en ce sens qu'elle ne montre aucun signe d'alerte. “Elle ne peut être détectée qu'à travers un diagnostic précoce, et ses symptômes n'apparaissent que tardivement”, ajoute-t-il. Pour cette raison, les praticiens, spécialistes de la santé de la femme insistent sur le dépistage précoce, qui est loin d'atteindre, en Algérie, les proportions souhaitables. Seulement 4% des Algériennes se rendent chez le gynécologue pour faire un frottis, l'unique moyen d'identifier un pré-cancer du col de l'utérus, guérissable lui dans pratiquement 100% des cas. Le professeur Reithmuller, gynécologue au CHU de Besançon et membre du Collège français de gynécologie obstétrique, a attesté que le dépistage est une arme de prévention efficace. Selon lui, la France assure, en la matière, un taux de couverture de 90% de sa population féminine. Ce qui représente 6 millions de personnes dépistées chaque année. “Ceci n'a pas empêché qu'une femme sur cinq développe le cancer du col de l'utérus”, regrette-t-il. La situation est nettement plus préoccupante dans notre pays. “Si en France, 6 millions de frottis sont enregistrés par an, en Algérie, 100 000 frottis ont été enregistrés en 7 ans”, affirme le professeur Kamel Bouzid, chef de service oncologie médicale au centre Pierre-et-Marie-Curie. Alors qu'une bonne campagne de dépistage doit couvrir entre 70% et 80% de la population concernée. Si les praticiens de la santé recommandent vivement aux femmes de faire régulièrement le frottis (au moins une fois tous les cinq ans pour les personnes saines), ils incitent les autorités sanitaires nationales à transcender enfin leurs réticences et intégrer, dans le programme de vaccination globale, le vaccin anti-HPV. Ce vaccin a été produit grâce aux travaux du chercheur allemand Harald Zur Hausen qui a établi le lien entre Human Papilloma Virus ou HPV et le cancer du col de l'utérus. Sa découverte révolutionnaire lui a valu le prix Nobel de médecine 2008, qu'il a obtenu avec deux autres chercheurs ayant mis au jour le virus HIV responsable du sida. “Le cancer du col de l'utérus est le parfait prototype du cancer évitable. L'Algérie, qui enregistre un taux de mortalité de 80%, devrait tout mettre en œuvre pour introduire le vaccin anti-HPV”, conseille le professeur Reithmuller. Il souligne que “le vaccin anti-HPV est sous-estimé dans la mesure où l'on évoque que sa protection contre les HPV 16 et 18 (cancer du col) ainsi que 6 et 11 (condylomes), or, il protège contre cinq autres HPV et non des moindres”. Son confrère algérien, le Pr Bouzekrini, estime impératif de vacciner les jeunes filles nubile dès 12 ou 14 ans, “si l'on veut que la maladie disparaisse un jour de chez nous”. Des groupes de médecins font pression sur le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière pour qu'il consente enfin à acheter ce vaccin. “Pour le moment, il n'y a pas de réunions de consensus, mais des discussions”, informe le professeur en gynécologie et obstétrique. À vrai dire, c'est le poids financier que suppose la vaccination des adolescentes qui semble alimenter les hésitations du ministère de tutelle. Selon des sources fiables, le vaccin anti-HPV coûterait à l'Etat facilement le double de l'enveloppe budgétaire allouée jusqu'alors annuellement au programme national de vaccination. La prise en charge d'une jeune fille vaccinée (trois fois avec les deux rappels) reviendrait à 45 000 DA. “Une femme sur deux décède du cancer de l'utérus. La prise en charge médicale coûte 2,5 millions de DA par an et par malade”, contrebalance le Pr Kamel Bouzid. “Si le vaccin est introduit en Algérie, les laboratoires pharmaceutiques feront des efforts (au niveau des prix, ndlr)”, soutient Hocine Mehdi, représentant du laboratoire MSD. D'autant que l'OMS recommande, depuis peu, la vaccination contre le virus HPV, déjà mise en vente dans 114 pays, dont la Tunisie, le Maroc et l'Arabie Saoudite. Pour l'heure, deux laboratoires, GSK et Merck and Co (MSD), produisent les vaccins anti-HPV. L'un induit une protection bivalente contre les HPV 16 et 18, qui provoquent le cancer du col de l'utérus. L'autre est quadrivalent, c'est-à-dire qu'il prémunit contre quatre sérotypes de HPV (6, 11, 16, 18). À ce titre, outre le cancer suscité, il immunise aussi contre les verrues génitales ou condylomes. Le professeur Aït Belkacem, exerçant au CHU Mustapha-Pacha, signalera, à ce propos, que 1% de la population algérienne présente des condylomes. Aussi bien les hommes que les femmes sont exposés aux condylomes, “maladie hautement contagieuse. Elle récidive dans 30% des cas, quelle que soit la méthode thérapeutique”. S. H.