Tous les instruments de musique ont leur histoire, et ce sont les hommes qui font l'histoire de ces instruments. Comme ses parents, l'imzad et le r'bab, le violon a toujours été lié à des noms de virtuoses. Si pour l'imzad, instrument joué exclusivement par les femmes targuies, on doit citer les dernières grandes joueuses Dmeyla et sa sœur Byat Edaber, Alamine Khoulen et Chtima Bouzid, et pour le r'beb, Larbi Bensari et Benmrabet, pour le violon, la liste est largement plus longue. Pour la musique moderne, le plus grand violoniste est incontestablement le virtuose Mohamed Mokhtari dont le fils, également virtuose, joue actuellement dans l'orchestre de la chanteuse andalouse Nassima. Jouant tous les styles de musique, Mohamed Mokhtari qui a eu une formation universelle aura eu le privilège d'embellir ses solos par des touches tziganes. La Touchia Zidane et le N'qleb Ya Racha Fettane exécutés par Mokhtari resteront parmi les meilleurs solos enregistrés par la télévision algérienne. Bien avant l'indépendance, le musicien Mustapha Sahnoun, qui avait créé la troupe La Rose Blanche, était classé parmi les meilleurs violonistes aux côtés de Hamitouche. Abdelghani Belkaïd, le sage Dans le classique, le sage Abdelghani Belkaïd (90 ans) a accompagné tous les grands chanteurs algériens depuis plus de 70 ans. Il faut dire que Belkaïd a aussi chanté dans les années 1940 et son style ressemblait à celui de Lili Labassi qui était également un grand violoniste. Ayant été encouragé par Dahmane Bouzamma, le violoniste de Hadj M'rizek qui lui a offert son alto, Belkaïd accompagnera durant sa longue carrière les plus grands chanteurs d'andalou, de chaâbi et de hawzi d'Algérie. Un hommage lui a été rendu le 30 juin 2008 à la Sorbonne. Belkaïd a eu également le mérite d'avoir formé plusieurs violonistes dont Kamel Belkhodja. Dans le milieu de l'andalou et du chaâbi, on peut affirmer qu'il y a une génération de violonistes de valeur tels que le discret Brahim Dris qui s'est consacré à la formation. Aux côtés de Belkaïd, d'autres musiciens ont marqué l'histoire du violon dans l'Algérois notamment Mezghenna et Kasdali. Mâalma Yamna, qui fut la plus grande chanteuse algéroise de la première moitié du 20e siècle, était aussi une excellente violoniste. Cette grande dame fit école, puisque la plupart des musiciennes et chanteuses qui l'ont accompagnée ont appris à jouer merveilleusement du violon, notamment Meriem Fekkaï et Tetma. L'école de Tlemcen A Blida, cheikh Mahmoud Ould Sidi Saïd, dit Qelb Eddelaâ (pour ses joues roses), était sûrement le plus grand virtuose qu'a connue l'Algérie. Selon les témoignages d'anciens Blidéens, il pouvait jouer divers chants d'oiseaux et même l'appel à la prière. Dans le classique, Hadj Medjber, le violoniste préféré de Dahmane Benachour, a également marqué de son empreinte l'histoire du violon en Algérie. Le maître de l'andalou, Sadek Bedjaoui, qui se déplaçait souvent à Blida, préférait souvent jouer au violon qu'il maîtrisait parfaitement. Tlemcen a été depuis fort longtemps une école de violonistes, car les premiers joueurs de r'bab ont vite été attirés par cet instrument au son magique venu de l'Occident. Bien avant Abdelkrim Dali qui s'accompagnait aussi bien au oud qu'au violon, cet instrument, tout comme le r'bab, faisait partie de l'histoire de la famille Bensari. Mostpha Ben Hadj Boumediene, qui était un grand musicien, avait tenu à initier ses enfants M'hammed et Abdeslam qui feront partie de l'orchestre de leur cousin cheikh Larbi Bensari (élève de cheikh Boudhelfa). Alors que Hadj Boumediene avait accompagné Larbi Bensari à l'exposition universelle en 1902 à Paris, Abdeslam sera son violoniste lors du congrès de la musique arabe de 1932 au Caire. En plus de Abdeslam (1876-1959) et son frère M'hammed, Tlemcen a connu d'excellents violonistes tels que Abderrahmane Sekkal qui avait rassemblé dans un ouvrage (avec des erreurs de transcription) les chansons hawzi et meghrabi, Mustapha Belkhodja et Redhouane, le fils de Larbi Bensari. Dr Yahia Ghoul, le neveu de Redhouane qui avait créé un conservatoire de musique andalouse Nassim El Andalous à Houston, aux USA, est également épris de violon. Le cardiologue est aujourd'hui président de l'association Nassim El Andalous à Oran. Les virtuoses du malouf A Constantine et Annaba, le violon a une bonne place dans le cœur des mélomanes et des chanteurs de malouf. Tout comme son père, Salim Fergani joue aussi bien le violon que le luth. Le plus ancien violoniste de Constantine serait cheikh Benkirat (1824- 1927). Abdelkader Toumi jouait aussi de l'alto. Avant Tahar Fergani, cheikh Raymond Ghenaissya (l'oncle d'Enrico Macias) était également un virtuose du violon. Il faut dire qu'en plus des élèves formés directement ou indirectement par Fergani et Dersouni, il existe toute une génération de violonistes dans le Constantinois, tels que Mustapha Hichour ou le chanteur Kamel Bouda qui manie aussi bien la voix que l'archet. A Annaba, le chanteur Ahmed Bennani doit son succès à sa maîtrise de la voix mais aussi pour sa virtuosité au violon tout comme le défunt maître Hassan El Annabi. Le maître du malouf annabi Dib Layachi est également un amoureux du plus fin des instruments. Il faut noter que chaque ville d'Algérie cache un jeune virtuose, et la plupart d'entre eux ne sont pas connus. Qui organisera le festival des solistes ?