C'est l'été. Le soleil d'Algérie brille sur toute l'Afrique et ses rayons s'étalent sur tous les continents. On est le 21 juillet 1969. Un gros ballon monte au ciel. Les images sont lointaines. C'est peut-être une montgolfière qu'on voit de notre balcon à Bouzaréah. Alger, l'Algérie, l'Afrique … C'est la fête. C'est le premier Festival culturel panafricain. Toute l'Afrique est invitée à Alger pour faire la fête. C'est l'été à Alger et tout le monde est content d'accueillir ces frères et sœurs venus de pays qu'on croyait lointains. Pour annoncer le festival, c'est l'artiste Bouzid qui a dessiné les affiches collées sur tous les murs d'Algérie. Le peintre Issiakhem a dessiné le timbre sorti à cette occasion pour immortaliser l'événement. Des hommes de culture On ne peut s'attendre qu'à la réussite de l'événement car à tous les niveaux, il y a des hommes de culture tels que Malek Haddad, Aïssa Messaoudi, Rahal pour organiser cette manifestation exceptionnelle. 4000 participants sont présents dans la capitale algérienne. Toutes les salles ont été rénovées et 10 scènes démontables ont été installées dans diverses places publiques et stades d'Alger. C'est l'été et le Tout-Alger accueille les représentants des pays d'Afrique où certains d'entre eux sont toujours sous le joug colonial. Le 21 juillet, alors que tout le monde attend l'ouverture du festival par Miryam Makeba, de jolies femmes noires déambulent dans les rues d'Alger. Leur beauté attire les Algérois et de longues discussions sont entamées. C'est l'été à Alger et ces femmes simples doivent monter sur les scènes de l'Opéra, de la salle Ibn Khaldoun ou de l'Afrique pour chanter, danser et jouer des pièces de théâtre. Alger, ville d'art et de culture Du 21 juillet au premier août, Alger se transforme en ville d'art et de culture. Miryam Makeba, la grande star crée la surprise en chantant Africa en français, anglais et arabe. Pour lui donner la réplique la voix forte et mielleuse de Lamari est la mieux placée. La chanson est vite reprise par les jeunes qui la chanteront dans les cours des écoles et lycées, les placettes publiques et les foyers. Archie Shepp est également content de rencontrer le jazzman algérien Boualem Hammani dit Bill. Les Algérois qui ne savent plus quel spectacle choisir, vu l'abondance, découvrent Nina Simone et se mettent à collectionner ses disques. Au moment où les invités découvre Alger, sa Casbah et ses ruelles, son Ballet national, ses chanteurs et son cinéma alors que le pays vivait encore la joie de l'indépendance acquise sept ans auparavant, des liens se lient entre ces frères du même continent. Mandela est en prison En cet été de 1969, alors que tout le monde chante et danse, au sommet de la hiérarchie algérienne, des hommes pensaient que la joie ne sera au summum que le jour où toute l'Afrique sera libre. En cet été algérois, Mandela est dans une prison d'Afrique du Sud et Makeba est interdite d'entrer et de chanter dans son propre pays. En cet été, de grandes personnalités culturelles et artistiques africaines et mondiales telles que Ted Jones, Makeba, Simone, Archie Shepp et Emory Douglas se trouvent à Alger et les places publiques sont devenues des espaces d'exposition d'arts traditionnels, de spectacles et de rencontres. Le réalisateur William Klein filme toutes les images du festival pour en faire un historique film documentaire. En cette période, le cinéma algérien est organisé sous la tutelle de l' ONCIC et des films tels que La Bataille d'Alger de Pontecorvo et Le vent des Aurès avaient déjà obtenu des prix à Venise et à Cannes. Pendant toute la période du festival, les jeunes et moins jeunes d'Alger vivent et respirent la culture africaine. Toutes les salles requises accueillent deux spectacles par jour et tous les soirs les jeunes et moins jeunes sortent pour assister aux spectacles donnés sur les places publiques et voir les films projetés en plein air. Parmi les pays participants, certains tels que le Dahomey et la Haute-Volta changeront plus tard de nom pour devenir respectivement Le Bénin et Le Burkina Faso. En cet été, l'Egypte de Djamel Abdennasser s'appelle toujours la RAU, bien qu'elle se soit séparée de la Syrie. En cet été de 1969, le Tout-Alger est illuminé. Le Tout- Alger est en fête et tout le monde souhaite que la fête continue et que les frères d'Afrique reviennent un jour. Après une attente de quarante ans, le rêve de toute l'Algérie et de toute l'Afrique est exaucé. Le deuxième Festival panafricain aura bien lieu cet été.