Le pari était fou mais pas impossible à une Afrique du Sud qui en avait relevé de plus gigantesques et gagné de plus importants, comme l'illustre si bien sa guerre aboutie contre l'apartheid. De la folie, du folklore, une ambiance hors du commun, voilà ce qu'ont insufflé les Sud-Africains à “leur” Mondial bien avant les trois coups qui ont tonné, hier après-midi, dans le Soccer City Stadium de Johannesburg pour annoncer le coup d'envoi officiel. Mais surtout de la fierté ! Partout, l'on ressent, en effet, cette énorme fierté qu'ont les Sud-Africains d'être “la” capitale du monde en l'espace du mois que durera cette compétition planétaire. Une fierté qu'ils transmettent avec la jovialité qui les caractérise à tous les étrangers qui déferlent par vagues au pays arc-en-ciel. Une fierté qu'ils revendiquent presque, tant ils estiment que par la riche et très mouvementée histoire de l'Afrique du Sud, ses sacrifices, ses souffrances et son inoubliable combat contre l'apartheid, ce n'est que justice que le monde multicolore du ballon rond leur rende la pareille en plantant son chapiteau du côté de la cosmopolite et si diversifiée Johannesburg. À notre arrivée à l'aéroport de cette même Johannesburg, dans la nuit de mercredi à jeudi vers les coups de 2h, il n'y avait certes pas grand monde. Un calme aussitôt brisé par la superbe ambiance qu'ont créée les premiers groupes de supporters algériens qui débarquaient au pays de Nelson Mandela. Du plus haut responsable de la sécurité au plus simple agent d'accueil, tous s'affairaient à contribuer, avec un professionnalisme et un dévouement tout simplement exemplaires, à la réussite de ce grand événement qui s'est invité sur le sol africain et qui permit au continent noir de rejoindre ses “aînés”, que sont l'Europe et les trois Amériques, maîtres dans ce domaine organisationnel. Européens, Américains et Asiatiques sont d'ailleurs rapidement tombés sous le charme de l'accueil typiquement africain qui a été réservé, le lendemain, aux différents groupes de supporters qui, à 24 heures du coup d'envoi de la compétition, ont commencé à déferler en grand nombre à l'aéroport international de Johannesburg, qui donnait, du reste, la nette impression d'être au stade tant l'ambiance qui y régnait était superbement chaleureuse. Des Sud-Africains, en parfaits autochtones très accueillants, ont ainsi occupé ledit espace aéroportuaire, vuvuzela en main, pour chanter et danser leur bonheur, instaurant un climat de kermesse qui se faisait ressentir même dehors, dans les rues et différentes artères de la très belle Johannesburg. Si, alors, chaque supporter (étranger) arrivé faisait exprès de montrer son appartenance à son pays, drapeau et maillot aux couleurs de sa sélection, indiquant clairement qu'il est là pour soutenir son équipe nationale, les Sud-Africains, eux, tous et sans exception, avaient également prévu de montrer leur grand attachement à leur emblème national qu'on voit partout, partout, partout ! Sur les balcons, dans les magasins, sur le toit des voitures et dans les rétroviseurs ! À cette “fierté d'être Sud-africain” se conjugue continuellement, à travers les discussions qu'on a eues avec quelques-uns d'entre eux, cette autre “fierté de pouvoir montrer au monde qu'on est prêts à accueillir un événement planétaire de la dimension d'une Coupe du monde, en particulier après avoir durement bossé quatre longues années durant”, comme nous l'a souligné un habitant de Johannesburg. Un labeur dont les fruits sont visibles à l'œil nu, à l'exemple de cette gigantesque autoroute qui relie les grandes villes, plus particulièrement neuf (Johannesburg, Nelspruit, Rustenburg, Bloemfontein, Le Cap, Durban, Polokwane, Port-Elizabeth et Pretoria) abritant les soixante-quatre matches de la compétition. À cela s'ajoute bien évidemment les imposantes infrastructures sportives bâties ou réaménagées spécialement en vue du Mondial. Mais parallèlement à toute cette effervescence, les appréhensions demeurent, surtout celles liées à l'aspect sécuritaire. Car, quand bien même près de 25 000 kalouna (policiers) ont été mobilisés par l'Etat sud-africain pour assurer la sécurité des délégations étrangères et faire baisser, ne serait-ce que durant ce mois de football et de fair-play, le taux record de criminalité qui caractérise ce pays, les agressions demeurent d'actualité. Après l'incroyable bousculade suivie d'un envahissement de terrain en marge d'un amical Nigeria-Corée du Sud, qui avait fait plus d'une dizaine de blessés, toutes les délégations étaient, en effet, sous le choc d'apprendre le malheur vécu par les journalistes portugais et les officiels grecs. C'est dire qu'en dépit de ces mesures, qu'on peut qualifier de draconiennes, vu le nombre impressionnant de policiers en tenue, nul ne se sent réellement à l'abri ici en Afrique du Sud, en particulier, lorsqu'on est journaliste-reporter, visiblement cibles préférées des brigands et des réseaux criminels locaux. Qu'à cela ne tienne, puisque cette hantise de se “faire descendre” au pays de Mandela est vite chassée de l'esprit par cette palpable affection et cet évident attachement des Sud-Africains pour tout ce qui est algérien. Car, du côté de Johannesburg et de Durban, personne n'a oublié le soutien de “l'Algérie-amie” au peuple sud-africain dans sa lutte acharnée et sanglante contre le racisme. Personne en Afrique du Sud n'a oublié le “cadeau” fait à l'inoubliable Myriam Makeba lors de sa virée triomphale à Alger. C'était en 1971. Du temps où organiser une Coupe du monde du côté de Johannesburg n'était qu'un simple… rêve africain ! L'autre défi, organisationnel, logistique et politique, du continent noir est de démontrer à la planète entière les grandes avancées de l'hémisphère sud dans ces domaines. Joseph Blatter y a cru. Les Africains aussi. Reste maintenant à transmettre cette confiance au monde entier qui aura les yeux rivés sur Johannesburg, Nelspruit, Rustenburg, Bloemfontein, Le Cap, Durban, Polokwane, Port Elizabeth et Pretoria ou les neuf villes qui accueilleront les soixante-quatre matches de la compétition footballistique la plus suivie de l'univers. Du 11 juin au 11 juillet, l'Afrique célébrera la Coupe du monde sur ses terres. Un mois de football, de passion, de folie et d'émotions fortes attendus. Un mois historique pour ce continent-mère qui a tellement enduré dans le passé, si souffrant et si flagellé dans son présent et si incertain dans son avenir.