Nora Adjal, pionnière de la presse enfantine, s'est investie dans le champ médiatique à l'époque en lançant le magazine pour enfants au doucereux titre Nounou. Un challenge ardu d'autant que la conjoncture de l'époque était difficile. Contre vents et marées, elle a tenu l'aventure coûte que coûte durant de nombreuses années, malgré la multitude de difficultés. Puis un long stand-by dû aux prix excessifs des tirages et de l'impression. Suite à cette halte forcée, et sans mettre aux oubliettes ce projet qui lui tient à cœur, elle s'est redéployée dans l'édition de guides, d'ouvrages et de prospectus tout en gardant l'idée de renouveler l'expérience de Nounou.Dans un contexte plus favorable, une expérience dans ce domaine et une certaine maturité, Nora estime renouveler son expérience, d'autant que la presse enfantine est une priorité que les pouvoirs publics doivent exhorter. Pour ne plus en être tributaire, Nora s'est doté d'un matériel numérique. Ce qui permet à cette éditrice d'avoir les coudées franches, elle qui a subi les aléas et les coûts faramineux de l'impression. Actuellement, son credo reste la reprise de cette aventure si exaltante, elle qui a l'enfant au cœur. Dans cet entretien, elle décline avec désappointement mais aussi avec optimisme cette activité qui nécessite beaucoup de persévérance et de ténacité. Vous avez été la première éditrice à lancer Nounou, un magazine pour enfants, qui s'est terminé en queue de poisson, pourquoi ? Nounou est la première revue indépendante destinée aux enfants. Il faut lui reconnaître sa longue durée sur les étalages, malgré tous les problèmes liés à sa lourde facture d'impression pendant de très longues années et les problèmes de diffusion. J'ai fait Nounou avec beaucoup d'amour et de passion, et les lecteurs de Nounou sont aujourd'hui soit à l'université, soit dans le monde du travail. Nounou est connue et ma société porte toujours le nom de Nounou, car c'est ma première activité en tant que Maison d'édition et un des grands projets que personne n'a osé entreprendre jusqu'à aujourd'hui. Nounou devrait être un projet de toute une institution avec ses moyens de soutien, et pas seulement un projet d'une personne qui se bat pour placer ses revues dans les bibliothèques publiques, alors que les conditions socioéconomiques du développement de la presse enfantine n'existaient pas encore. Nounou, actuellement, cherche encore une issue. Cette expérience de Nounou, il faut la vivre pour comprendre sa douleur. Quand vous donnez la vie à un enfant, et qu'il vit pendant treize ans ou plus, vous ne pouvez pas ignorer son existence, même si vous le faites, lui, vous le rappellera. Je prends le temps de voir les choses d'une autre manière, d'étudier la possibilité de refaire l'expérience sur des bases solides . Il faut le dire aussi : j'ai grandi avec Nounou et j'ai muri de cette belle aventure, les temps ont beaucoup changé et il faut changer le procédé et la forme. En tant qu'éditrice, quels sont les problèmes auxquels vous êtes confrontés ? De la fabrication à la diffusion, Nounou était un travail de fourmis. Mis à part la réalisation intellectuelle et toute la chaîne graphique, la facture d'impression était importante par rapport au tirage. Le prix de vente ne couvrait pas tellement son coût de réalisation, Mais je compensais avec la publicité. Ce qui a freiné la continuité, ce sont les problèmes de diffusion. Primo : La distribution des revues et magazines doit avoir un réseau particulier, celui de la presse spécialisée. Un magazine doit rester un mois sur les étalages, ce n'est pas un quotidien, et il doit avoir un espace naturel dans la librairie, alors que la librairie nous envoie à un autre cercle qui est celui du livre et ainsi de suite. Les points de vente existants suffisent-ils à remplir le vide des espaces dans les quartiers à forte concentration ? Y a-t-il des sondages sur les circuits de distribution ? Personne ne connaît les vrais problèmes pour y chercher les solutions. Secondo : Le problème de recouvrement, surtout quand on imprime et on confie aux distributeurs des quantités et nos diffuseurs traînent pour payer ou ne payent pas du tout, rien n'encourage à continuer l'aventure. Et c'est pour cela que j'ai tenté de demander la collaboration des institutions étatiques, les bibliothèques des centres culturels, les bibliothèques des communes afin d'intégrer la lecture à l'ensemble des activités éducatives et culturelles, et aussi pour assurer une vente ferme d'une partie de la quantité tirée, en vain. La ministre de la Culture vient d'annoncer la réalisation de son grand projet «la bibliothèque commune» dans les deux ou trois années avenir. Vous éditez des prospectus, des guides et des ouvrages, est- ce votre principale activité actuellement ? L'édition du prospectus, des guides et des ouvrages est aussi une des activités principales de notre staff, car elle permet d'évoluer dans le monde économique et social en touchant à tout : toutes les activités qui nous permettent non seulement de voir les choses d'un œil critique mais aussi de vivre et d'acquérir des techniques et des moyens de soutien. C'est aussi une ouverture, un recyclage, un agrandissement et une spécialisation. Mon parcours en tant que journaliste, sociologue et éditrice m'a permis de comprendre que l'enfant ou la presse pour enfants est un fragment d'un système cohérent qui est sans doute la société. Et Nounou a besoin d'une famille stable et de supports importants. Ce sont toutes ces institutions socioéconomiques dans lesquelles elle se développe. De toute façon, les guides que nous avions édités durant ces dernières années ont été très appréciés par les lecteurs, les touristes et les organismes de tourisme. Ce sont également des produits de bonne facture. Ce qui nous a aussi donné une crédibilité vis-à-vis des institutions économiques, et cela va encourager leur association à l'action en faveur de la presse enfantine. Peut-on connaître vos projets relatifs à la poésie ? Qu'est-ce que la poésie ? Qu'est-ce que l'enfance ? Ce sont deux notions qui relèvent du mythique. La poésie appartient à un monde pur et authentique, un monde «autre», celui de l'enfance. L'édition de recueils de poésie n'est qu'une rencontre naturelle avec les âmes. D'ailleurs ce qu'on retient de l'enfance, ce sont les traditionnelles récitations d'autrefois. Tout se complète. Vous voyez ! Je tiens à signaler aussi qu'en ce moment, nous sommes en train de subir une grande pression. Le pragmatisme et le stress nous étouffent et il faut qu'on ait le temps de nous détendre, nous calmer, ou plutôt nous arrêter un peu, pour pouvoir continuer l'aventure, doucement mais sûrement. Le recueil de poésie libre Les mots, les maux de Abderahmane Amalou, qu'on vient de publier, résume aussi cette pause sur le temps qu'il faut prendre pour bien se ressourcer et apprécier la vie pour pouvoir laisser de belles choses aux nouvelles générations. En plus, j'adore la poésie, et mes premiers écrits d'adolescente étaient des poèmes. Je compte également relancer la poésie en publiant des collections par thèmes et inciter les jeunes à se familiariser avec les vers. Pourquoi pas ? On vient d'installer un comité de lecture dont l'information a été divulguée à travers la presse. L'acquisition de votre nouveau matériel inhérent à l'impression vous permettra-t-il de produire une plus grande quantité ? Notre station d'impression numérique ne nous permet pas de faire de grands tirages comme le cas des machines industrielles, mais elle est vraiment complète avec tous les accessoires qu'il faut : massicot, encolleuse, plieuse, assembleuse, etc., et cela va nous faciliter l'impression des tirages réduits, de catalogues, recueils de poésie, livres et autres. Et ça nous permet d'être plus indépendants et plus professionnels sur le plan technique, et nous soulage de beaucoup de contraintes liées à la fabrication, et cela nous donne une autonomie d'agir plus vite et de répondre aux besoins d'autrui sur le plan commercial. Quels sont vos projets ? Nos projets sont variés. Pour les enfants, nous allons publier bientôt deux livres de chansons pour enfants avec CD et une série de contes pour enfants avec CD. Nos produits phares (les guides touristiques ou les guides d'information publics) sont notre préoccupation majeure : un autre guide pour Alger, et l'autre pour l'Algérie. Je donnerai le temps au comité de lecture de bien se constituer pour faire le choix sur les prochaines éditions. Entretien réalisé par Kheira Attouche