Merzak Meneceur Tout est allé vite à la tête de l'exécutif français après la débâcle aux élections municipales du 23 et 30 mars. Tirant les leçons d'un désaveu qui visait directement sa politique, le président Hollande a changé de Premier ministre dès lundi soir. Au revoir Ayrault, bonjour Manuel Valls, ministre de l'Intérieur du gouvernement démis, promu Premier ministre. Après maintes consultations et des réunions avec le chef de l'Etat, Valls a formé son équipe mercredi matin, rendue publique, comme il est de tradition, par le secrétaire général de l'Elysée car c'est le Président qui nomme et non pas son principal collaborateur. Ce «gouvernement de combat», selon le souhait de Hollande, est resserré. Il comprend seize ministres à parité hommes-femmes, en attendant la nomination, la semaine prochaine, des ministres délégués et secrétaires d'Etat. Il se distingue en premier lieu par l'absence d'écologistes, qui ont décidé mardi soir, «malgré les propositions faites par Manuel Valls», de ne pas participer au gouvernement, mais «soutiendront sans faille le gouvernement à chaque fois qu'il s'engagera dans le chemin du progrès et de l'écologie». Conséquence : le gouvernement ne comprend que des socialistes, hormis Sylvia Pinel, ministre du Logement, qui est du Parti radical de gauche dont le poids politique et électoral est insignifiant. Sur les seize ministres, il n'y a que deux entrants : Ségolène Royal, candidate à la présidentielle de 2007, qui prend le portefeuille de l'écologie et de l'énergie. En plus de l'ex-compagne du Président, il y a l'arrivée de l'un de ses proches, François Rebsamen, nommé ministre du Travail, de l'Emploi et du Dialogue social. Sur les quatre ministres aux postes régaliens, trois poursuivent leur mission. Laurent Fabius, aux Affaires étrangères et au Développement international (qui serait élargi au commerce extérieur et au tourisme). Jean-Yves Le Drian à la Défense nationale et Christiane Taubira à la Justice. Au ministère de l'Intérieur, c'est Bernard Cazeneuve, qui vient du budget, qui succède à Valls. Dans la politique d'équilibre de courants politiques, dont seul le Parti socialiste a le secret, et peut être pour rassurer ceux qui accusent Hollande d'avoir mis à la tête du gouvernement une personnalité classée à droite, le gouvernement donne des galons à Arnaud Montebourg, qui devient ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique, et à Bernard Hamon, promu ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Pour les autres postes ministériels, c'est la politique des chaises musicales, comme Michel Sapin qui passe du Travail aux Finances, ou le statu quo pour Aurélie Filippetti à la Culture et Stéphane Le Foll à l'Agriculture. Le plus dur commence maintenant pour Manuel Valls, pour diriger en chef d'orchestre une équipe en apparence homogène. En réalité il lui faudra faire cohabiter les différentes sensibilités socialistes avec des ministres à forte personnalité, qui auront le choix de prêcher chacun pour sa chapelle ou de mettre en œuvre en commun la politique définie par le président de la République. Cela dépendra beaucoup de l'impulsion que donnera Valls, le social-libéral, pour convaincre qu'il dirige bien un gouvernement de gauche. Son discours de politique générale à l'Assemblée nationale sera un moment révélateur car nombreux sont les parlementaires socialistes qui attendent pour voir, d'autant qu'ils disposent à la Chambre d'une majorité très mince n'ayant pas d'alliés acquis automatiquement. Les premières réactions à la formation du nouveau gouvernement français n'ont pas tardé à se manifester, y compris de députés socialistes qui ont exprimé réserves et scepticisme. La droite, elle, ne s'est pas gênée à tirer à boulets rouges par la voix du président de l'UMP, Jean-François Copé. Pour lui le gouvernement est formé d'une équipe «digne de la IVe République» qui donne le «sentiment d'un bateau ivre». Par la voix de son porte-parole, Olivier Dartigolles, le Parti communiste, qui prépare avec d'autres forces politiques une manifestation le 12 avril, la composition du nouveau gouvernement «confirme une sidérante fin de non recevoir» au message exprimé par les électeurs aux élections municipales. M. M.