Lorsque des hommes se battent, c'est la galerie qui se masse. Lorsque des dames le font, c'est le cirque. Trois dames se prennent au collet. Une victime femme, deux autres inculpées de coups et blessures volontaires, d'insultes et de provocation avec des jets de bouffée de fumée de cigarettes à la face ainsi qu'un agresseur absent à la barre. Nadia Amirouche, la juge, refuse d'aller vite, elle écoute toutes les parties avec beaucoup de calme et refuse le «souk» à la barre, surtout qu'un véritable cirque allait monter. Et lorsqu'elle fait prêter serment au témoin de cette triste affaire, elle fait preuve encore de plus de vigilance. Le témoin affirme avoir vu les deux inculpées présentes et debout à la droite de la victime. A chaque question de la juge, le témoin répond sans hésiter, avec précision et sans paniquer, ce qui arrive souvent aux témoins sous serment et donc sous pression. « J'ai vu, moi assis au volant, cette femme descendre de la voiture et agresser en compagnie d'un autre agresseur absent aujourd'hui la victime», dit-il avant de faire une autre déclaration qui pousse la juge de l'interrompre : «Comment aviez-vous fait pour reconnaître ces trois personnes ?» «Je ne les oublierai jamais, ni la voiture de couleur grise». «Pourtant la victime a bien précisé que la couleur de la voiture était... marron !», coupe la juge qui refuse la moitié du témoignage au moment où le témoin, un père de famille revient, en termes voilés, sur l'idendité du troisième inculpé. «Celui-là, je ne l'ai pas vu descendre de voiture». C'est alors que la victime, la quarantaine, coquettement vêtue à l'européenne, tout comme les deux femmes inculpées va porter plainte, pour harcèlement sur les lieux-mêmes du boulot. «Elles viennent souvent m'insulter, me menacer, me lancer de gros mots que la morale m'interdit de reproduire.» «Et pourtant, la Cour suprême insiste sur ce détail : reprendre mot à mot les insultes mais ce n'est pas aujourd'hui». «Ce tribunal a devant lui une affaire d'agression», tranche la magistrate, Le parquet requiert une peine de prison ferme d'un an pour chacun des inculpés, sur la base du certificat d'arrêt de travail de douze jours et où il y est transcrit des bleus sur les cuisses de la victime qui avait pourtant déposé plainte contre X et la présence des inculpés répondait à l'enquête de la police qui n'avait entre les mains que le numéro d'immatriculation du véhicule. «A l'issue de la raclée que j'ai reçue, j'ai compris le message, ce n'est qu'un avertissement, la suite sera pire !», a presque pleuré la dame qui avait à cœur d'aller plus loin mais cette présidente qui adore aller à l'essentiel en respectant les limites du dossier du jour, jette sans état d'âme : «C'est bon, ça suffit». Elle annonce la mise en examen de l'affaire, alors que les trois femmes quittent la salle d'audience en attendant le verdict.