Cette jeune juge d'El Harrach n'est pas si tordue qu'on la présente souvent, elle sait écouter et trier le bon du moins bon et jusqu'au mauvais !Un vieil homme est traîné à la barre pour coups et blessures. La victime est absente, lui jure qu'il n'a jamais agressé quiconque. Pour lui, riposter, c'est se défendre. Il a pris des risques et la juge l'a trouvé coupable de riposte, car lorsqu'on riposte, on ne fait jamais que briser ! «Non, je ne l'ai pas agressé, je me suis défendu», dit en guise de défense, à Bedri la juge, un vieil homme inculpé de coups et blessures. Evidemment, la victime n'a pas daigné se déplacer à la barre et affronter son agresseur. Et c'est là toute l'énigme d'une affaire où l'unijambiste est roi ce samedi chaud, chaud ! Selma Bedri, qui est une magistrate du siège qui adore s'appliquer et ne pas marcher sur les droits des justiciables, cherche à tout prix à ce que l'inculpé se mette à table. Invité par la présidente de la section correctionnelle du tribunal d'El Harrach (cour d'Alger) à revenir un moment aux faits, Saddek R., la soixantaine, affirme que c'est lui qui lui avait sauté dessus. «Il ne me restait donc plus qu'à me défendre.» - «ah ! donc, vous l'aviez agressé !», s'exclame la juge alors que le vieillard allait vite rétorquer : - «Lorsqu'on reçoit des coups, on se défend» articule, sans paniquer, l'inculpé qui avait voulu aller plus loin, mais Bedri le coupe : - «A propos, pourquoi vous êtes-vous battus ? Le tribunal veut savoir !» - «Pour des riens à vrai dire ; c'est lui qui s'est mis en colère et s'est jeté sur moi... - «Et puis vous vous êtes défendu légitimement en lui expédiant quelques coups dans...», ironise la présidente qui avait jeté un coup d'œil du côté du siège du ministère public, où Youssef Menasra, son représentant, était en train de feuilleter le code pénal, histoire d'y puiser les termes de l'article 264 qui dispose que «quiconque, volontairement, cause des blessures ou porte des coups à autrui ou commet toute autre violence ou voie de fait et s'il résulte de ces sortes de violence une maladie ou une incapacité de travail totale pendant plus de quinze jours est puni d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de cent mille à cinq cent mille dinars», (alinéa premier). En l'espèce, la victime dans ce dossier avait présenté un certificat du légiste de cinq jours. Et la victime n'est pas à la barre pour s'accrocher à ses premières déclarations, seul Menasra avait eu cette folle envie de poser cette question dont la réponse pouvait aller jusqu'aux tréfonds de l'article 264 «Lorsque vous vous étiez pris au collet, combien de coups avez-vous assené à votre adversaire ?» Et l'inculpé, rusé comme un renard, de rétorquer : «Je vous l'ai dit à plusieurs reprises depuis le début du procès, je me suis seulement défendu !» Le procureur sourit et réclame six mois de prison ferme. Bedri n'allait pas se faire prier et infligera en fin d'audience deux mois assortis de sursis. Comme quoi, quelqu'un qui riposte risque une condamnation.