En Algérie, l'une des causes principales de la baisse du taux de croissance démographique est due en grande partie à l'élévation de l'âge du mariage. Il se situe en moyenne à 26 ans pour les femmes et à plus de 30 ans pour les hommes.Le retard a sans nul doute un rapport direct avec la crise du logement. Le mariage précoce d'autrefois qui était l'un des piliers de la famille traditionnel a presque disparu des villes et il est en nette régression dans les campagnes. Même les femmes analphabètes se marient en retard. Cependant, la tradition reste préservée dans la fréquence élevée de mariages consanguins. Selon les statistiques, plus d'un mariage sur trois est célébré avec un cousin germain. Si dans la société d'antan, le mariage qui se contractait dès l'âge de puberté chez la fille et un peu plus tard chez le garçon étant le fait d'arrangements familiaux et même tribaux, de nos jours, par contre, on se trouve devant un nouveau modèle matrimonial qui annonce peut-être le début de la période transitoire. La famille algérienne subit des transformations qui lui sont imposées par les contraintes économiques et sociales. Dans la situation actuelle de l'Algérie, même les mariages enregistrés officiellement à l'état civil ne sont «consommés» que bien ultérieurement. Les effectifs des hommes et des femmes en âge de se marier sont inégaux, ce qui pousse une grande partie des femmes à épouser des hommes non célibataires. Cependant, il est clair que malgré le désir des parents de continuer durant un certain temps à «couver» les enfants mariés dans le domicile familial, la soupape de sécurité que constituait l'aménagement du nouveau couple dans son propre logement n'était pas négligeable ; au fond, cette corésidence permettait dans un sens de faire la transition entre générations, autrement dit, une initiation à la vie du couple dans la tradition que la société veut transmettre qui est ainsi réalisée. Les jeunes mariés peuvent après, dans leur propre espace, donner à leur vécu une orientation peut-être différente, mais en tout cas influencée par cette civilisation. Or, cette possibilité de nouveau logement est devenue un rêve inaccessible pour beaucoup… Ce qui les force à coexister. Les percussions de l'exiguïté sont grandes comme une caisse de résonance Cette coexistence est du point de vue purement économique intéressante, parce que la famille paie un seul loyer et une seule facture de consommation de l'énergie. C'est en sorte le système d'économie d'échelle qui est appliqué.Presque partout dans le monde des ménages la tendance est à la baisse, excepté peut-être l'Algérie et quelques autres pays où elle augmente légèrement, mais sûrement. Selon l'Office national des statistiques, le nombre de mariages annuels est le double de celui des nouveaux ménages, autrement dit, un nouveau couple sur deux s'installerait chez un autre ménage. Parfois, on peut trouver dans les grandes villes un type de logement communautaire «dar», dans lequel peuvent corésider plusieurs ménages n'ayant pas nécessairement des relations de parenté. Près de trois millions de personnes vivent presque à 7 dans un logement d'une pièce. S'il est vrai qu'une pièce en milieu rural peut avoir des dimensions inconcevables, en ville, la cuisine, le balcon et autres couloirs sont utilisés pour dormir, il n'en demeure pas moins que près de 50% de la population algérienne se serre à 7 ou 8 le plus souvent, dans des appartements de 2 ou 3 pièces. Les percussions de l'exiguïté sont grandes comme une caisse de résonance, la tension et les courants principaux agitent les différents groupes sociaux. Les individus qui habitent dans un logement où l'espace devient de plus en plus réduit, peut les mener à des explosions importantes dans la rue au lieu d'être un lieu de rencontres entre générations, le logement lui-même devient souvent le théâtre de leurs affrontements. Une pratique de plus en plus répandue consiste parfois pour le fils marié qui coréside à ériger un mur de séparation et se ménager un accès indépendant dans la partie de la maison familiale qu'il occupe. Certains n'ont pas hésité à dire qu'il était préférable d'habiter un bidonville qui leur y préservait leur intimité qu'un logement «surpeuplé». L'Algérie reste attachée au mariage entre famille, malgré les différents changements socioéconomiques qui se sont produits ces dernières décennies. Cet attachement au mariage est sans doute lié aux traditions et aux ajustements économiques. L'union avec une parente pourrait être aussi l'expression d'une stratégie de reproduction économique. C'est en quelque sorte un héritage qui reste dans la famille. Le «jeu» consiste ainsi à sauvegarder un minimum de mariage dans le groupe pour assurer sa cohésion et une bonne proportion en dehors du groupe pour tisser de nouvelles alliances. Selon l'enquête de l'Etude nationale statistique de population (ESNP) et des données de l'Office national des statistiques (ONS), les mariages apparentés sont estimés à plus de 25% et semble varier avec le niveau d'instruction de l'épouse. Si la tendance à se marier avec une personne apparentée diminue, quand le niveau d'instruction augmente, les données présentées suggèrent que les niveaux impliqués sont très élevés, 65% des mariages quand la femme est illettrée, 43% quand elle est de niveau primaire, 47% si son niveau est secondaire et 35% chez les universitaires. Pour les anthropologues spécialisés dans les liens de parenté «le mariage avec la fille du frère du père» (mariage des cousins patrilatéraux), c'est l'échange d'une femme contre autre chose qu'une femme, par exemple la garantie d'une alliance politique. Ce qui donne à la société une dimension absolument nouvelle, l'historicité, par quoi elle échappe aux cycles caractériellement des structures élémentaires de la parenté». La cousine paternelle a toujours été le mariage préférentiel d'Arabes même avant l'Islam Ce qui n'est plus évident pour l'instant, les alliances politiques se lient actuellement sur la base du mariage de «caste» ou de classe plutôt qu'avec la cousine. Les exemples sont courants où des nouveaux essaient désespérément de se maintenir à une certaine altitude dans la hiérarchie sociale, contractaient des mariages avec des filles de «hauts placés». Pour ce qui est d'ordinaire, le mariage avec la «bint el amm», la cousine paternelle, a toujours été le mariage préférentiel d'Arabes même avant l'Islam. Cependant, l'endogamie ne concerne pas uniquement l'Algérie, l'enquête DHS (démographie et santé) montre que le phénomène est de règle au Maghreb et en Egypte. Les proportions de couples apparentés (cousins côté paternel) sont étonnamment proches dans les quatre pays : 29% en Algérie, 25% au Maroc, 36% en Tunisie et 26% en Egypte. Environ un tiers des couples sont des «très proches» pendant que 10 à 15% des parents moins proches et seulement 60% des couples se font à l'extérieur de la famille. La Tunisie, à ce propos, se distingue nettement par un plus grand attrait pour les unions dans la famille, puisque seulement 51% se font en dehors d'elle. Pourtant, la consanguinité est généralement considérée propice à une fréquence plus grande des malformations congénitales et autres handicaps. D'autre part, le choix du conjoint peut être indicatif à la fois de la précocité du mariage et de sa stabilité. Selon l'enquête algérienne sur la fécondité (Enaf), ce choix n'a été strictement personnel que dans 8,6% des cas avec un minimum de 6,1% en milieu rural et 15,5% en métropole. Il y a peu de différences, selon les régions. La femme a eu son mot à dire avec les parents dans 34,9% des cas avec un minimum de 23,1% dans le Constantinois, un maximum de 46,5% dans l'Oranais, un minimum de 33,2% en milieu rural et un maximum en métropole. Cela laisse donc près de 55% de situations où la femme a été mariée par les parents. Les femmes instruites épousent rarement un homme sans instruction et cette tendance augmente avec le niveau atteint. Tandis que les hommes sont parfois moins difficiles, ou plus machiavéliques : ils épousent parfois une femme moins instruite en vue de pouvoir établir des rapports déséquilibrés en leur faveur, mais avec la conjoncture économique difficile, le choix tend plutôt vers la femme qui a un revenu. Si par la force des choses les femmes instruites ne les choisissent guère, les hommes illettrés se voient toujours «emprunter le chemin» des femmes illettrées. Les polygames se retrouvent essentiellement en zone steppique ou dans les Hauts Plateaux Tandis que les hommes de niveau secondaire et plus semblent de plus en plus fuir les femmes instruites au profit des femmes illettrées. Quant à la polygamie, elle demeure un phénomène marginal et en voie d'extinction. Selon les statistiques, les proportions de polygamie pour 100 hommes mariés est, en 1911, de 6,4%, en 1948, de 3%, en 1954, de 2%, en 1970, de 1,8%. En 1986 les données de l'Enaf estimaient que les polygames se retrouvent essentiellement en zone steppique ou dans les Hauts Plateaux, parmi les semi-nomades dont le mode de vie exige de disposer d'un foyer en milieu aggloméré, l'une des femmes devant accompagner le mari avec le troupeau de l'autre, la femme «sédentaire» garde les enfants du ménage. En d'autres termes, l'instruction de la femme change beaucoup de données dans la vie quotidienne du couple, alors que seulement 17% des illettrées prennent part dans la gestion du budget, la proportion est de 28% pour les femmes de niveau primaire et de 32% pour le niveau secondaire et plus, soit presque le double des illettrées. Le mari est apparemment seul maître à bord. 7 fois sur 10 quand il est marié à une femme illettrée, 5 fois sur 10 si elle a une instruction primaire et 4 fois sur 10 si son niveau est secondaire ou plus, l'instruction donc modifie l'attitude de la femme sur plusieurs aspects du mariage et de la fécondité.