Plus de quatre mille Algériens meurent chaque année sur les routes. Pour faire plus inquiétant, cela donne à peu près douze personnes qui périssent chaque jour dans des accidents de la circulation. Plus inquiétant encore, l'Algérie occupe une «bonne» place dans le gotha mondial des pays où les routes constituent une véritable hécatombe pour leurs habitants. Si nous sommes habitués aux peu glorieux classements, si nous sommes dans le «peloton de tête» des mauvais élèves dans bien d'autres domaines, restons quand même dans les accidents de la route, puisque c'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui. Et en l'occurrence, ce n'est pas parce que c'est une fatalité. Non seulement ce n'est pas la place de l'Algérie, ces zones là, avec tous les drames que cela en coûte, ne devraient être la place d'aucun pays. Ce ne sont pourtant pas les velléités qui manquent en la matière. Mais les velléités ne peuvent pas faire une politique ou une stratégie de combat, parce que c'est d'un combat qu'il s'agit. Sur toutes les chaînes de la Radio nationale, hier, il y avait une «journée ligne rouge» destinée à lutter contre le «phénomène». A défaut d'informer, nos médias de service public «sensibilisent». Il leur arrive même parfois, à moins que ce ne soit souvent, de pousser un peu plus loin dans la prétention : «mobiliser». Vous vous rendez compte ? Et à tout seigneur tout honneur, ils sont les premiers à mettre les pieds dans le plat. Et de jouer à l'acteur là où ils sont censés être le relais. Et quand ce n'est pas eux, ce sont leurs invités triés sur le volet. Il y a trop d'Algériens qui meurent sur les routes ? La «répression» ne sert à rien, il faut faire de la prévention et de la… sensibilisation. Mais si, Mesdames et Messieurs, ça sert, la répression ! Non seulement les preuves d'efficacité en la matière ne manquent pas, mais ce que vous appelez la «répression» n'est ni plus ni moins l'application de la loi, avec les sanctions qui vont avec. Prenez par exemple cette obligation de port de la ceinture de sécurité. Pendant des décennies, les Algériens l'ignoraient comme s'il s'agissait, dans le meilleur des cas, d'un objet de décor, dans le pire un équipement inutile et encombrant. On a «réprimé» et ça a marché. Quasiment tout le monde a le réflexe de la «tirer» maintenant au moment de monter dans son véhicule. Prenez l'intransigeance sur l'alcool au volant, on a encore réprimé et ça commence à donner des résultats. Mais voilà, la «journée fil rouge» sur les ondes ressemble finalement aux autres. Aux derniers jours particulièrement sanglants sur nos routes, on répond par un représentant du ministère des Transports venu défendre… le ministère des Transports, un «artiste» qui veut s'impliquer par un discours moralisateur de grand-mère, des animateurs venus nous dire tout ce que la radio a fait sur la question, un motard invité pour nous convaincre que les vrais motards portent des casques et disposent d'un permis et enfin une, deux brebis galeuses presque gênées de nous dire ce qu'ils pensent parce que ce qu'ils pensent ne cadre pas vraiment avec le reste du «débat». Pendant ce temps, on meurt toujours sur les routes, en quantités industrielles, sur toutes les lignes. Les bandes d'arrêt d'urgence continuent à être empruntées comme une file «normale», il n'y a pas la moindre brigade mobile entre deux barrages, les motards qui portent une tenue réglementaire jouent aux hommes invisibles et les auto-écoles continuent de délivrer des permis à des candidats encore plus invisibles. La place de l'Algérie parmi les pays les plus meurtriers sur la route n'est pas volée, on le sait, le problème est que rien n'indique qu'elle aspire à un meilleur classement.