Les artistes et le public ont mêlé, dans la soirée de lundi, leurs chants, leurs mots d'ordre et leurs larmes pour faire revivre Hasni, chanteur martyr de la décennie noire, lors du premier concert évènement "Génération Hasni, 20 ans après" organisé deux décennies après son assassinat à Oran, le 29 septembre 1994, à l'âge de 26 ans. Cet hommage initié par la maison d'édition musicale Padidou en partenariat avec l'Office national des droits d'auteurs et des droits voisins (Onda), a été animé par une trentaine de chanteurs, de tous âges et profils, qui se sont produits devant un public de familles et de jeunes pour lequel les 3500 sièges de la salle Atlas de Bab-El Oued n'ont pas suffi. L'ambiance qui montait en cadence au fur et à mesure que l'imposante salle de spectacle se remplissait a rapidement atteint un seuil d'incandescence avant même que le spectacle ne débute. Des familles, des adolescents et des jeunes non encore nés lorsque la star du raï a été tuée par balles dans son quartier, entonnaient déjà à tue-tête des mots d'ordre historiques dont les fameux "Bab El oued Echouhada" (Bab El-Oued, martyre), "One, two, three, Viva l'Algérie" datant des années 1970 ou encore "Hasni Allah Irahmou" (Hasni que Dieu le garde). Sur un fond d'images de Cheb Hasni chantant devant les foules, des interprètes de raï et d'autres genres musicaux se sont succédé au micro pour interpréter les célèbres "tubes" du cheb repris en chœur par un public en ébullition. Amine, Cheikh Mami, Nada Rihane, Bilal Seghir et Kheira ont lancé les premières salves accueillies par des applaudissements et des mots d'ordre de plus en plus créatifs à la mémoire du regretté cheb. "Li Fiha fiha ou gaâ enness mchett/Ana nbqa fiha ou kima jet jet" (S'il se passe des choses que les gens fuient, moi je reste ici et advienne que pourra), le célèbre refrain par lequel Hasni affirmait son choix de demeurer dans sa patrie malgré les menaces reçues a fait pousser à l'assistance des cris saluant le courage du jeune homme tué la même année que l'universitaire Abderahmane Fardeheb et que le dramaturge Abdelkader Alloula, également fils d'El Bahia. L'expression de la tendresse de l'assistance pour l'artiste a culminé lorsque la veuve de Hasni a annoncé que son fils Abdallah n'avait pu assister à l'hommage car son enfant allait naître d'un moment à l'autre. "Melouka prends soin de son fils!" ont alors chanté les jeunes. D'une seule voix, le public a continué à accompagner les douces romances ou les tristes mélopées disant l'amertume de l'homme trahi, déçu par les siens, humilié par l'adversité, qui ont fait le succès fulgurant du chanteur. Lyes et Hayet Zerrouk, Fadéla, Houari dauphin, Rajah Meziane, Mehdi, Cheb Brahim, Mohamed Lamine, Chamssou du groupe Freeklane, Rédha el Ouahrani et Kader Japouni pour ne citer que ceux-là ont déclenché l'enthousiasme d'un public que semblait entièrement animer le souffle de Hasni lors de ce concert qui l'a, de l'avis de tous, "ressuscité".