Pousser son ex-femme à se retrouver devant une cour de justice pour dénoncer le non- payement de pension alimentaire relève de l'absurde, notamment dans une société traditionnelle telle que la nôtre. H.H., cadre supérieur dans une institution publique, est de surcroît gestionnaire des ressources humaines. Mais avec sa famille, ce père de quatre enfants dont la moyenne d'âge ne dépasse pas seize ans use de négligence envers ses enfants. «Il nous arrive de quémander une baguette de pain aux voisins, sans parler des autres denrées qui manquent chez nous» déclare avec énervement l'ex-épouse. Depuis près de trois mois, la famille se retrouve dans une situation des plus difficiles, surtout en ces temps de froid. «La facture d'électricité n'a pas été réglée, celle de l'eau non plus, tout est coupé, on se retrouve dans une situation très grave», a-t-elle déclaré au magistrat. Interpellé sur les raisons d'un tel délaissement de sa famille, l'accusé rétorque : «Durant cette période, j'étais en formation à l'étranger !». «Est-ce une raison valable pour abandonner sa famille, d'autant plus que vous auriez pu transmettre un chèque à votre femme pour qu'elle retire de l'argent», l'interroge encore une fois le juge. L'accusé, ne trouvant plus rien à dire, esquive la question par une autre : «Pourquoi n'est-elle pas venue me voir avant d'actionner la justice ?» Le magistrat hors de lui répond : «C'est très grave de la part d'un cadre. Votre ex-femme vous a bel et bien envoyé un huissier de justice demandant la pension et trois fois de suite, vous avez refusé de le recevoir». Le magistrat enchaîne : «Il faut attendre qu'un huissier de justice tape à votre porte pour obtempérer ? Ce sont vos enfants non ? C'est leur droit le plus absolu». La parole est donnée au parquet qui requiert 6 mois de prison ferme et une amende de 50 000 DA. L'avocat de la défense entame sa plaidoirie en demandant des circonstances atténuantes au profit de son client car «il était en formation à l'étranger et du coup, il ne pouvait pas payer la pension de ses enfants ; c'est la première fois que ça arrive et ce n'est pas par négligence». Dans l'après-midi, le juge rend son verdict : trois mois de prison avec sursis et une amende de 5000 DA.