Les réseaux étrangers de soutien à la guerre de libération nationale, communément désignés sous le vocable de porteurs de valises, étaient composés d'anticolonialistes, des Français pour la plupart, qui avaient "honte" de la politique répressive menée des années durant par le gouvernement français à l'encontre du peuple algérien, a indiqué l'historien Gilles Manceron. Ces anticolonialistes "croyaient aux droits de l'homme et avaient honte de la politique menée par leur gouvernement", a affirmé l'historien français dans un entretien à l'APS, soulignant que ces personnes, structurées dans les réseaux Jeanson et/ou Curiel notamment, estimaient que "la guerre d'indépendance algérienne était une cause juste au même titre que la Résistance française à l'Allemagne durant la Seconde guerre mondiale". L'auteur du 17 octobre des Algériens, suivi de La Triple Occultation d'un massacre, souligne, à cet effet, l'aide "diversifiée" apportée par ces réseaux de soutien à la guerre de libération nationale. "Ils ont aidé la Révolution et lui ont apporté un soutien politique en publiant des articles dans des journaux, parfois clandestins, et des revues, et aussi une aide logistique", a-t-il rappelé. Le combat militant de ces porteurs de valises a été révélé au grand jour en 1960, à l'occasion du procès du réseau Francis Jeanson, suivi d'une manifestation d'une centaine de personnalités françaises qui intervinrent publiquement pour dénoncer "la guerre sans nom" dans une déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie. La publication du Manifeste des 121 (intellectuels) ponctua spectaculairement le procès en révélant au grand public que des personnalités des arts et des lettres soutenaient désormais le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie. Ce manifeste fut signé entres autres par Jean Paul Sartre, Arthur Adamov, Simone de Beauvoir, André Breton, Marguerite Duras, Pierre Boulez, René Dumont, François Chatelet… L'historien Gilles Manceron souligne, à l'occasion du 60ème anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale, le rôle "important" de ces militants dans la transmission au Gouvernement provisoire algérien et aux Wilayas de l'intérieur l'argent collecté auprès des immigrés algériens par la Fédération de France du FLN, car ils étaient "moins susceptibles d'être contrôlés". "Ils ont aussi hébergé et transporté des militants algériens et leur ont procuré des papiers d'identité", souligne encore l'historien français, qui regrette que le rôle efficace de ces Français qui croyaient aux droits de l'homme et avaient honte de la politique menée par leur gouvernement ait été "trop souvent oublié ensuite". "Ils n'ont pas été reconnus comme des Justes par la France et ils n'ont été honorés que très tard par l'Algérie", a-t-il constaté. Le président du collectif Sortir du colonialisme, Henri Pouillot, revient, de son côté, sur le contexte de l'époque où, relève-t-il, les militants anticolonialistes étaient "rares" et "assez isolés", dans une France "majoritairement colonialiste". "Ce n'est que lorsque la Guerre de libération s'est réellement développée que les réseaux Jeanson, Curiel,… se sont étoffés et ont apporté leurs contributions au FLN", affirme-t-il, signalant que jusqu'à fin 1954, ils n'étaient que "quelques militants internationalistes, des intellectuels, agissant essentiellement à titre individuel". Pour l'ancien appelé du contingent français, témoin oculaire de la torture à la Villa Susini à Alger, l'expérience de la clandestinité, de la Résistance, une dizaine d'années plus tôt leur a permis de mettre en place ces réseaux, malgré les "chasses" policières. Ces réseaux dès qu'ils ont été structurés ont été, estime-t-il, d'une aide très précieuse pour le FLN en dehors du territoire algérien : la collecte, et surtout le transfert de fonds vers l'Allemagne et la Suisse, l'hébergement de nationalistes recherchés, l'aide à leurs déplacements clandestins furent des aides très importantes au FLN en Métropole, soutien-t-il. Aux yeux du réalisateur et responsable associatif, Mehdi Lallaoui, l'apport des réseaux de soutien en France a été "essentiel" à la révolution algérienne "rien que dans le cheminement des millions de Francs collectés chaque mois dans l'immigration. "Cet argent constituait à plus de 80 % les ressources de l'organisation et des dirigeants de la Révolution", soutient-t-il, estimant que le rôle de ces réseaux a été aussi important dans le "réveil de l'intelligentia française" à travers le procès du réseau Jeanson en septembre 1960 et la mobilisation citoyenne qui s'en est suivie. L'auteur du documentaire "Le Manifeste des 121" (Avril 2012) regrette, lui aussi, le "peu d'hommage" rendu à ces réseaux de soutien à la Révolution algérienne. "A part les travaux de Rotman et le livre de Jacques Charby, il existe très peu d'ouvrages qui aborde le rôle, la motivation et le fonctionnement des réseaux de soutien à la révolution algérienne", relève le président de l'association Au nom de la Mémoire, estimant que "beaucoup de travaux de collecte (d'informations) restent à faire avant que les derniers acteurs et témoins de cette période (coloniale) ne disparaissent".