L´Espagne aspire à jouer un rôle particulier sur la Libye à partir de sa position de pays membre non permanent du Conseil de sécurité de l´Onu pour la période 2015-2016. Elle se prépare activement à organiser un sommet à Madrid entre les parties à la crise libyenne, dont la date dépend de l´évolution des tractations que la diplomatie espagnole mène actuellement tous azimuts. Le pari est risqué au regard des affrontements sur le terrain entre les différentes factions qui ne laissent, pour le moment, aucun espoir réel à une telle initiative. Il faudrait d´abord que M. Bernardino Léon Gross, le représentant de l´Onu pour la Libye, qui fut en poste à l´ambassade d´Espagne à Alger au début des années 80-90, puisse convaincre dans les jours qui vont suivre les belligérants d´opter pour la solution politique. C´est à cette fin qu´il se rendra le 5 janvier prochain au Caire où se trouvait, samedi, le ministre espagnol des Affaires étrangères, M. José Manuel García-Margallo. La position de principe de l´Algérie Officiellement, le chef de la diplomatie espagnole s´est rendu dans la capitale égyptienne où il a été reçu par le président Abdelfettah El Sissi et son homologue égyptien, Sameh Shoukry, pour exposer aux autorités égyptiennes les priorités de son pays durant les deux ans de siège au Conseil de sécurité de l´Onu. En réalité, l´objectif de son déplacement est plus immédiat. Le gouvernement espagnol est très impliqué depuis une année dans le processus de retour à la stabilité en Libye. Il s´est appuyé sur, notamment, l´incontournable soutien de l´Algérie, attachée à une solution entre Libyens et fermement opposée à une intervention étrangère ou une quelconque immixtion dans les affaires intérieures de ce pays. La position algérienne exposée en ces termes par Ramtane Lamamra a nettement triomphé lors de la Conférence sur la Libye organisée le 17 septembre dernier à Madrid. M.García-Margallo avait salué la position de l´Algérie dans une déclaration aux journalistes algériens présents à ce forum. Les participants n´avaient pas suivi, en revanche, le ministre libyen des Affaires étrangères dans sa plaidoirie en faveur de l´envoi par les pays occidentaux de matériel de guerre pour les milices progouvernementales. Les efforts de la diplomatie espagnole ont failli être vains, le mois d´octobre dernier, lorsque John Kerry avait convoqué une réunion sur la Libye regroupant les pays de la région, à laquelle l´Espagne n´avait pas été invitée. Il a fallu à M. Margallo présenter au Secrétaire d´Etat américain les conclusions de la rencontre du 17 septembre à Madrid pour se faire inviter à ce nouveau rendez-vous qui s´est tenu au siège de l´ONU. Pourquoi un tel engouement espagnol pour la Libye ? Le gouvernement de Mariano Rajoy veut jouer à fond la carte libyenne pour mieux négocier la position de l´Espagne sur la scène internationale et donner plus de poids à sa diplomatie. Menace terroriste et intérêts énergétiques Sur un plan global, le succès d´une conférence sur la Libye donnerait un argument supplémentaire à l´Espagne d´abriter celle, encore plus importante, qui portera sur le règlement définitif de la question palestinienne. Sur un plan plus particulier, les efforts diplomatiques de l´Espagne partent de la préoccupation que la Libye est un partenaire énergétique où sont implantées les plus importantes compagnies pétrolières comme Repsol. Les autorités espagnoles craignent par dessus tout que ce pays voisin devienne ingouvernable et constitue par conséquent une grande menace pour sa propre sécurité. Madrid œuvre donc activement pour un accord entre les divers mouvements politiques et militaires qui se sont autoproclamés représentants des légitimes aspirations du peuple libyen et constitué deux gouvernements et deux parlements. Hier au Caire, José Manuel García-Margallo a déclaré avoir «perçu» plus de neutralité du gouvernement el Sissi dans ce conflit. Le président égyptien avait jusque-là soutenu et armé les troupes du Général Khalifa Haftar contre les milices islamistes dans l´est libyen. «Le contexte a changé et l´Egypte a opté pour la solution politique défendue par l´Espagne», s´est réjoui le ministre espagnol des Affaires étrangères. Le changement de position de l´Egypte sur la situation chez son voisin libyen pourrait, en effet, aider Bernardino Léon Gross, le 5 janvier au Caire, à faire avancer les négociations entre les parties libyennes vers la tenue d´une conférence à Madrid.