A la sortie des écoles ou à l'entrée d'une salle de jeu, des enfants, que rien n'indique qu'ils sont pauvres, apostrophent des passants dans le but de leur soustraire généralement des pièces de 20 DA. Jusqu'ici, la mendicité est la manifestation publique de la pauvreté. Faute de ressource, des gens fréquentent les stations urbaines de transports, les restaurants, les boutiques, les grands boulevards ou prennent position dans les coins les plus fréquentés par les piétons en quête de «l'argent de poche». On les rencontre trop souvent. Et ce sont généralement des femmes et des hommes d'un âge avancé. Le phénomène devient toutefois de plus en plus inquiétant avec l'entrée en scène de faux mendiants. Il s'agit des enfants qui, à la sortie des écoles ou à l'entrée des salles de jeu, tendent la main le plus normalement du monde. Ils vont jusqu'à apostropher les passants et insulter ceux qui ne se plient pas à leur caprice. Le lycée El Idrissi est l'un des plus importants établissements scolaires de la commune de Sidi M'hamed. Il est situé en plein boulevard Aïssat Idir, faisant presque face au siège central de l'UGTA. Tout le long de ce boulevard, les lycéens n'hésitent pas à arrêter les passants pour leur demander de l'argent. Il y a parmi eux ceux qui poussent l'outrecuidance jusqu'à proférer des insultes dans le dos des gens. «Ils inventent un tas de mensonges rien que pour vous soustraire une pièce de 20 DA et aller les débourser dans une salle de jeu», témoigne une dame qui vient juste d'être interpellée par un lycéen dont la tenue vestimentaire ne renvoie pas l'image d'un jeune en besoin pressant de fric. Comme le concerné n'a pas réussi à soustraire de l'argent à la dame, c'est tout un groupe de personnes qui poussent un éclat de rire. «Tu as raté ton pari !», lui a-t-on lancé. Le mendiant n'a pas désespéré de réussir son pari. Il a continué à interpeller les passants. La mendicité attire encore les enfants dans les quartiers. A chaque fois qu'un bambin vous demande une pièce de 20 DA, il est fort à parier qu'une salle de jeu se trouve dans les environs. La situation est d'autant plus délicate à comprendre que les quémandeurs sont parfois des enfants en bas âge. «Ce sont des enfants qui ne savent pas ce que le mot timidité veux dire. Une fois, un enfant m'a réclamé 20 DA pour les frais de transport. Quand je lui ai donné 10 DA, il m'a demandé d'ajouter au moins 5 DA. J'ai moi-même des enfants, mais ils n'osent jamais me faire ce chantage à moi qui suis pourtant leur mère», se souvient Fatiha, une fonctionnaire. «Je me demande d'où sortent ces enfants», ajoute-t-elle. S'agissant des mensonges, ces gentlemen mendiants prétendent, par exemple, ne pas avoir de l'argent pour payer le ticket de bus afin de rentrer chez eux. Ils prétendent aussi qu'ils étaient envoyés de la maison faire des achats et qu'ils ont perdu l'argent qu'on leur a donné à cet effet. Ce genre de scénario est devenu désuet parce que la plupart des jeunes qui mendient dans les stations de transport urbain utilisent les mêmes stratagèmes, surtout en ce qui concerne les frais de déplacement par bus. Pour ces enfants insouciants des conséquences de leurs actes, la mendicité est une thérapie de groupe : ils agissent toujours en association mais séparément. Quand un enfant ou un écolier vous demande de l'argent dans la rue, il vous suffit de regarder autour de vous pour voir ses complices. Pour des raisons pratiques, ce sont les femmes et les hommes âgés qui sont à chaque fois sollicités.